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qu’indiquent les statistiques officielles doivent sans doute être augmentés de moitié, à cause des marchandises allemandes réexportées par voie de Belgique et d’Angleterre. A Singapour, au Siam, en Chine, le mouvement est identique. Il y a deux ans, l’exportation de Hambourg vers la Chine atteignait 50 millions de francs, et 27 millions au Japon ; la navigation allemande dans les eaux chinoises, 2 millions de tonnes. Dans le Pacifique, de Vladivostock à Melbourne, mêmes progrès : à Manille, quinze maisons allemandes sont établies ; aux Indes néerlandaises, en Australie, elles se multiplient. Les Etats-Unis d’Amérique sont une des parties du monde où le terrain était le mieux préparé : les Allemands établis là-bas se comptent par centaines de mille, et certaines villes, comme Chicago, sont de véritables centres germaniques. Aussi les ventes allemandes dépassent-elles 500 millions de francs en 1893, alors que les nôtres, qui atteignaient ce chiffre en 1882, descendent à moins de 400 millions. Au Canada, les chiffres sont de 37 millions pour eux et de 14 pour nous. Dans l’Amérique du Sud, notre situation est encore pire ; au Venezuela, en Bolivie, au Pérou, en Uruguay, dans la République Argentine, au Brésil, les Allemands ont fait des pas de géans. Ils ont, dans ce dernier pays, colonisé l’État de Rio-Grande, dont le commerce est entre leurs mains. Au Chili, Hambourg envoie pour 50 millions de francs de marchandises ; il y a déjà à Valparaiso plus de maisons allemandes que d’anglaises.

Cherchons maintenant à nous rendre compte de ce qu’ont été les progrès de l’Allemagne en la comparant à elle-même, c’est-à-dire en mettant en regard des chiffres actuels ceux de quelques époques antérieures. Voyons en particulier comment s’est développé son commerce maritime.

Les principes pour la statistique du commerce extérieur ne sont établis chez elle que depuis 1879, date à laquelle a été réglementée l’obligation de la déclaration pour les importations et exportations. En 1888, les bases de comparaison ont été modifiées par l’annexion au territoire douanier de Brème, Hambourg, et certains districts prussiens et oldenbourgeois. D’autre part, l’Allemagne, par sa situation au cœur de l’Europe, est un lieu de transit pour une foule de marchandises, dont la destination ou l’origine apparente n’est pas toujours la destination ou l’origine vraie.

De 1872 à 1879, le commerce spécial[1] allemand avait passé de

  1. Le commerce spécial se compose des articles importés qui entrent dans la consommation courante, et des articles exportés qui proviennent du pays. Le commerce général comprend le transit.