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éloignées que les autres, avec, en surcroît, la chance d’y gagner la fièvre jaune ou, tout au moins, d’en rapporter une santé profondément altérée. Depuis que notre expansion coloniale nous a ouvert et nous ouvre encore tous les jours de nouveaux territoires lents à se pacifier, les choses ont bien changé. Le service dans les colonies représente l’occasion si ardemment convoitée de faire campagne, après laquelle soupirent vainement, dans leurs monotones garnisons de l’intérieur, les jeunes officiers de l’armée ; et les partisans de ces deux armes occupent depuis quelques années sur les listes de sortie des Écoles des rangs déjà très honorables. Cette faveur qui s’attache à l’armée coloniale grandira encore le jour où l’avancement des officiers de cette armée sera ce qu’il doit être. Il est de toute justice, en effet, que les officiers qui servent aux colonies avancent plus rapidement que leurs camarades de l’armée métropolitaine. La proportion des divers grades doit donc être calculée de manière à leur permettre d’arriver plus jeunes aux grades supérieurs. L’équité le veut ainsi ; l’intérêt du service également, la vigueur et l’activité de la jeunesse étant indispensables pour l’exercice de la plupart des commandemens aux colonies. Les emplois à créer pour constituer l’état-major général et les bureaux du ministère permettront de modifier la proportion existante, si elle est jugée insuffisante. Dans ces bureaux, on devra appeler de préférence des officiers venant d’accomplir un séjour colonial, en tant que le service n’aura pas à souffrir de ces mutations. Ils bénéficieront ainsi d’un séjour à Paris, lequel les dédommagera des fatigues endurées et profitera en outre à leur instruction.

Certes, il est digne d’avantages exceptionnels, l’officier qui consent à aller servir son pays loin de la France et des siens. Il reste des années sans les voir ; s’il est marié, aux tristesses des séparations prolongées se joint souvent l’incertitude pénible sur le sort des êtres chers laissés là-bas, incertitude motivée par la rareté et l’irrégularité des courriers. Combien plus enviable est le sort de l’officier de marine ! Il ignore les privations, les angoisses désespérantes de l’isolement, c’est un morceau de la patrie qui flotte sous ses pieds. L’officier colonial, lui, restera des mois presque seul, dans un poste perdu à des centaines de kilomètres de tout centre habité, exposé à une température torride, privé de tout, environné de dangers qui l’obligent à veiller jour et nuit, n’ayant parfois pour toute compagnie qu’un ou deux