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de son personnel, — ce qui est peu flatteur pour le personnel non militaire, — mais encore parce que l’état de guerre subsiste dans un certain nombre de nos colonies et que la force joue encore un rôle essentiel dans l’action coloniale, même après la pacification. En second lieu, la réunion entre les mains d’un seul ministre de la direction politique, administrative et militaire de toutes les colonies constituerait une sorte de dictature difficilement contrôlable en raison de l’éloignement des régions gouvernées. Il y aurait là une concentration de pouvoirs formant avec tout le reste de notre organisation politique un contraste brutal et qui ne serait peut-être pas sans quelques inconvéniens. »

En ce qui concerne la prépondérance de l’élément militaire, nous avons exprimé des craintes absolument opposées ; ensuite nous avouons ne pas comprendre très bien comment l’élément militaire pourrait être amené à mettre la main sur les services de la justice, des travaux publics et des cultes, pour ne parler que de ceux-là, ni ce qu’il pourrait y gagner. Quant au spectre de la dictature que M. Cavaignac voit poindre à l’horizon, le partage d’autorité et d’attributions, conséquence de la création d’un commandant en chef de l’armée coloniale placé aux côtés du ministre, doit suffire pour le faire évanouir.

Si le ministre des Colonies a son armée à lui, a-t-on objecté encore, pourquoi n’aurait-il pas également sa flotte, ses arsenaux et ses manufactures d’armes ? C’est aller un peu loin. D’abord les transports de troupes se font plus fréquemment par les paquebots des diverses Compagnies de navigation que par les bâtimens de l’Etat, et le ministre de la Guerre, pour avoir des détachemens à expédier en Algérie, ne réclame pas des moyens de transport qui lui soient propres. L’armement de l’armée coloniale lui sera cédé par l’armée métropolitaine ou fourni par l’industrie privée, il importe peu. Mais ce qu’elle doit avoir à elle, ce sont ses magasins d’habillement, d’équipement et de campement, ainsi que ses réserves de vivres, qu’elle alimentera par les procédés en usage et dont elle entretiendra des succursales aux colonies.

Le noyau des bureaux de l’armée coloniale serait constitué avec les bureaux des troupes de la Marine qui siègent rue Royale. À ce sujet, une question intéressante surgit. La Marine fabrique elle-même les pièces d’artillerie de sa flotte, quand elle ne les achète pas aux grands établissemens privés, tels que les Forges et Chantiers de la Méditerranée ; c’est l’artillerie de marine