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plusieurs autorités le droit de régler le régime ecclésiastique, et subordonnait le sort de l’Eglise à l’inconstance de leurs ententes et de leurs désaccords, un principe d’instabilité dominait le principe de constance : bien plus, ces pouvoirs avaient eux-mêmes pour arbitre la plus mobile des puissances, l’opinion. Non seulement ses serviteurs précaires, députés et ministres, mais les magistrats, malgré leur inamovibilité, les pairs, malgré leur droit héréditaire, le roi lui-même se sentaient dépendans d’elle. C’est les yeux fixés sur elle que les corps politiques et judiciaires s’étaient sans cesse enhardis à combattre l’union du trône et de l’autel ; qu’ils avaient préconisé chacun une conduite différente, mais où apparaissait une commune volonté de ne plus maintenir à la religion les anciennes faveurs ; que le roi, chaque jour plus timide à défendre contre eux sa propre pensée, avait fini par leur livrer contre l’Eglise les vieilles armes du droit régalien. Tel était le dernier terme de la politique gallicane. Ce privilège de l’arbitraire royal était tombé dans le domaine public, et cet instrument de domination que la monarchie croyait s’être assuré à la fois sur l’Église et sur les sujets était devenu, au profit de ses sujets, souverains à leur tour, un instrument de servitude contre l’Eglise et contre la royauté.

Fait non moins digne de remarque : aux efforts tentés sous la Restauration, soit pour soutenir — soit pour frapper comme autrefois l’Église, l’ancienne vigueur manquait. Ils faisaient grand bruit, petite besogne. Aux heures de victoire, les catholiques n’avaient pas conquis à leur foi une domination efficace ; ils sortaient sans pertes décisives d’une lutte où toutes les puissances de l’État s’étaient coalisées contre eux. L’amour et la haine se montraient timides, inachevés, impuissans. Les actes n’étaient jamais allés jusqu’au bout des idées et les actes manquaient de sincérité parce que les idées manquaient elles-mêmes de certitude. Au-dessus des passions contraires qui demandaient au passé des exemples et des armes, s’élevait la vision d’un autre avenir, le respect d’un droit nouveau, l’intelligence involontaire d’une société où l’Eglise n’aurait ni privilège, ni persécution, mais indépendance. C’est contre cette logique du temps que les ardeurs contraires s’étaient amorties et neutralisées. Plus forte que les sympathies religieuses, elle avait empêché un prince et une Chambre ardemment catholiques d’accroître les avantages concédés à l’Église. Plus forte que les passions jansénistes et