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du Board of Trade dans le nouveau cabinet. C’était là son véritable poste, et il y était admirablement préparé par les travaux de toute sa vie. Il connaissait mieux que personne les questions industrielles et les questions douanières, car soit comme industriel, soit comme représentant de la grande ville manufacturière de Sheffield, il avait dû étudier et résoudre des affaires de toute nature.

Nous ne pouvons entrer dans le détail de son administration. L’Angleterre lui est en grande partie redevable de la législation sur les contrefaçons et les marques de fabrique, devenue nécessaire par suite des empiétemens et des fraudes de la concurrence allemande.

Il fut deux fois président du Board of Trade et se trouva en pleine réaction économique, au moment où l’Allemagne, les États-Unis et la France dénonçaient les traités de commerce et relevaient leurs tarifs douaniers. Il se préoccupait vivement de cette situation, craignant de voir se fermer devant les produits anglais tous les marchés du continent, mais il resta fidèle aux principes du libre-échange. Il combattit énergiquement un bill présenté par le duc de Richmond pour arrêter l’importation du bétail étranger et il n’hésita pas à dénoncer à plusieurs reprises les mesures prises sous prétexte de police sanitaire pour assurer aux grands propriétaires le monopole du marché anglais. La vie à bon marché lui semblait être une condition sine qua non de la supériorité de l’industrie anglaise. Il ne cessait de répéter qu’un ouvrier bien nourri, travaillant pendant un temps limité, pouvait seul tirer tout l’effet utile des machines et n’avait rien à redouter de concurrens affamés et surmenés.

Un de ses premiers soins en arrivant au Board of Trade fut d’organiser un Bureau de statistique pour établir le taux des salaires, la durée des heures de travail et les conditions de la production dans les différentes industries. Il en confia la direction à un ancien ouvrier, John Burnett, et le chargea de rédiger et de publier tous les mois la Gazette du Travail, recueil officiel qui contient tous les renseignemens pouvant intéresser le commerce et l’industrie. Il n’est pas nécessaire d’insister sur cette institution, qui existe aujourd’hui en France, en Belgique et aux États-Unis.

Il s’occupa également de la création d’inspecteurs du travail, mais il chercha toujours à prendre les inspecteurs, non pas parmi les fonctionnaires, mais dans les cadres des corporations. C’est