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est un danger et une chimère. Il croyait que seule l’autorité de la loi peut donner à l’organisation corporative toute l’étendue qu’elle doit avoir et permettre aux petits et aux faibles d’y trouver place. Sans aller jusqu’à la corporation obligatoire telle qu’elle existe en Allemagne et en Autriche, il pensait que la liberté d’association pouvait coexister avec un cadre professionnel légal assurant une protection et une représentation efficaces à tous les membres d’une même industrie.

En cela, il restait fidèle aux principes qu’il avait toujours professés et ne se séparait pas de ses anciens compagnons de lutte. Mais en ce qui touche à la réglementation du travail, il entra à cette époque dans une voie différente, et, sans s’arrêter à l’opposition de Fenwick, de Hurt, d’Howell et des autres chefs des vieilles Unions, on le vit s’unir à Pickard, à Tom Mann et à Ben Tillet, représentans des nouvelles Unions pour présenter et soutenir des propositions de loi tendant à faire intervenir l’Etat dans la limitation des heures de travail, l’arbitrage industriel et la garantie des accidens du travail. Combattu par Gladstone et Bright, il trouva un appui inattendu dans Disraeli et le parti tory, qui accepta résolument cette politique et s’en fit une arme contre les libéraux. Ceci demande une explication. Les grandes réformes accomplies ou proposées depuis quarante ans par Gladstone et ses amis, la suppression du privilège de l’Eglise d’Irlande, la réforme électorale et surtout le Home Rule portent atteinte à l’unité de l’Angleterre et tendent à modifier profondément son ancienne constitution ; Mundella lui-même, en provoquant l’organisation de corporations puissantes et autonomes, a déplacé l’équilibre social dans un sens démocratique. Or les démocraties ne peuvent se passer d’un pouvoir fort et centralisé, sous peine de finir dans l’anarchie.

Wbigs et tories, le comprirent et malgré la différence de leurs principes, leurs efforts convergent vers un même but.

Disraeli, en proclamant la Reine constitutionnelle d’Angleterre impératrice des Indes, avait en vue autre chose qu’une flatterie et il rêvait de fortifier la monarchie en lui rendant les privilèges usurpés par l’aristocratie parlementaire. L’auteur de Sybil et de Coningsby avait depuis longtemps entrevu l’idéal d’une royauté émancipée, se faisant la patronne des travailleurs de la terre et de l’usine et s’appuyant sur le peuple pour affirmer ses droits. De leur côté, Gladstone et Mundella travaillaient également à