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ascendans de facultés rares, puissantes et complexes, solidement trempé par une éducation première dont on n’oserait proclamer, en thèse générale, l’infaillible excellence, mais qui, pour une fois au moins, avait admirablement réussi, enrichi enfin de documens innombrables par la fréquentation de la société composite où le comte G. d. L. T. d. P. l’engageait à ne pas s’attarder, rien ne lui manquait que de prendre l’habitude du travail pour « rechercher et rassembler les morceaux de sa jeunesse dispersée au hasard », et mettre en valeur les forces latentes en son cerveau. — Il avait vingt-deux ans à peine quand il accepta cette tâche, et qu’il se décida à entreprendre son énorme labeur.


II

Ainsi que la plupart des débutans, il se laissa tenter d’abord par la forme poétique, et il composa une petite comédie en vers, le Bijou de la Reine, plus un certain nombre de pièces détachées qu’il publia dans le Journal des Demoiselles, et qui furent réunies ensuite en un volume, intitulé : Péchés de Jeunesse. Le mot « péchés » n’est pas trop fort si rarement homme a manié la prosodie française avec une plus insigne maladresse que l’auteur de ces plates et prosaïques rapsodies. On a la sensation qu’il devait compter sur ses doigts les douze syllabes d’un alexandrin ; et la manière dont lui-même a parlé de la poésie démontre amplement qu’il n’y voyait guère autre chose que de la prose assujettie à un rythme régulier, quelquefois amusant, et toujours incommode. Il renonça vite d’ailleurs à sa fâcheuse tentative ; il n’y renonça pourtant pas sans quelques regrets, si l’on en juge par les explications bizarres qu’il a données de sa détermination, et par son souci manifeste de nous prouver qu’il était aussi capable qu’un autre de prendre rang parmi les poètes contemporains. C’est, paraît-il, un travers d’amour-propre commun à tous les écrivains qui se sont illustrés comme prosateurs de marquer une prédilection spéciale et plus ou moins avouée pour leurs vers. Chez Dumas fils, ce léger ridicule fut poussé au point de lui inspirer une véritable théorie littéraire, théorie dont la moindre faiblesse n’est pas encore de ressembler trop à un plaidoyer personnel.

Dans la préface de Diane de Lys, en 1868, il avait éprouvé le besoin de rééditer deux pseudo-élégies qu’il avait insérées déjà, en 1853, dans son roman de la Dame aux Perles, et il les avait