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organe objectif, devrait les mettre en garde contre les obstacles ; dans la circonstance présente, elle ne leur est d’aucun secours ; voilà pourquoi les oiseaux posés sur l’église ou sur les toits ont repris sans difficulté leur route à travers les airs, tandis que leurs compagnons, perdus dans un dédale d’arbres, de murs et de maisons, n’ont pas réussi à se dégager de ces obstacles.


IV

Nous avons montré que l’animal vit cantonné dans un domaine où il rencontre tout ce que réclame l’instinct de conservation de l’individu et de l’espèce. Ce domaine, plus ou moins étendu pour la bête sauvage, est réduit pour le pigeon par exemple aux quatre murs du colombier. N’y trouve-t-il pas en effet, suivant l’heureuse expression du fabuliste, « bon souper, bon gîte et le reste » ? S’il est vrai d’autre part que la connaissance locale ne soit pas strictement indispensable pour assurer le retour au gîte et que le sens de l’orientation lointaine suffise à la rigueur pour guider l’animal, on admettra sans peine qu’il soit possible de rendre mobile un colombier et d’en former les habitans à la vie nomade.

Supposons qu’on ait transplanté de toutes pièces un colombier dans un nouveau milieu, sans que la moindre perturbation ait été apportée à l’existence de ses habitans. Ceux-ci, mis en liberté dès l’arrivée, s’éloigneront peut-être, mais la loi du contre-pied assurera leur retour. Nous avons remarqué plus haut que le pigeon égaré sait retrouver le point du lâcher à peine entrevu le matin et auquel, en apparence, aucun souvenir agréable, aucun intérêt ne le rattachent. A plus forte raison, l’habitant d’un colombier mobile doit-il chercher à reconstituer son itinéraire ; si on l’emporte au loin pour le lâcher, il viendra retrouver sa demeure au point précis qu’elle occupait quand il l’a quittée. Le colombier mobile arrivant dans un nouveau gîte serait donc en mesure de rendre des services presque immédiats autour de cette localité.

Ce nouveau mode d’emploi du pigeon messager, irréalisable d’après les idées qui ont eu cours jusqu’ici en matière d’orientation, n’est que la stricte application de notre théorie.

D’intéressantes expériences ont prouvé d’une façon concluante que la fidélité au colombier natal pouvait être conciliée avec une existence nomade. Un certain nombre de pigeons sont nés et ont