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La nécessité peut contraindre l’habitant d’un canton à en franchir les limites, en temps de sécheresse ou de disette par exemple. Il fait alors une rapide-incursion sur le territoire voisin, ne s’y attarde pas, et regagne en toute haie son gîte dès qu’il a étanché sa soif ou apaisé sa faim. Dans cette deuxième zone, rarement explorée, l’animal ne connaît qu’un nombre de pistes limité, le plus souvent rectilignes. S’il y est surpris par un danger quelconque, il y sera bien plus exposé que sur son propre terrain.

Un exemple montre bien la différence essentielle qui existe entre ces deux zones. Quand un cerf est attaqué sur son domaine par un équipage, il commence par ruser, fait mille détours et dépiste un instant ses ennemis. Bientôt rejoint, il repart ; pourchassé d’abri en abri, il « prend enfin son parti » et s’élance dans la deuxième zone où les pistes sont rectilignes. La chasse change alors de caractère et prend une allure rapide qu’elle n’avait pas dans la première phase.

Le cerf atteint bientôt les limites du terrain connu, il essaie alors de revenir sur ses pas et de regagner son domaine. Constamment relancé, serré de près par les chiens, il en sort une fois encore, traverse la deuxième zone et s’engage alors parfois dans le terrain inconnu : il « débuche » et part droit devant lui jusqu’à ce qu’il tombe.

Il est intéressant de voir comment se comporte le cerf apporté de loin dans une cage et mis en liberté devant l’équipage pour être chassé. L’animal jeté sur un terrain inconnu n’essaie pas de ruser, il part devant les chiens et débuche immédiatement. La chasse ne présente aucune des péripéties dont nous parlions plus haut, elle n’est plus qu’une course entre l’herbivore qui a pour lui la vitesse et le Carnivore qui a le fond. D’après la condition de l’animal et la vitesse de l’équipage on peut, d’avance en déterminer la durée.

Nous n’insistons pas davantage sur ces faits bien connus des chasseurs. Il suffit en effet de parcourir un bois en Sologne ou dans toute autre contrée giboyeuse pour se convaincre que le sol est sillonné en tous sens par des pistes qui n’échappent pas à l’œil exercé du braconnier.

Les oiseaux, eux aussi, suivent à travers l’espace des chemins invisibles à nos regards, mais qu’une patiente observation nous permet de déterminer. L’oiseau, de même que les quadrupèdes, contracte l’habitude de se rendre toujours au même point en