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donc susceptibles d’un grand avenir, d’autant plus que ses provinces de l’Amour et du Pacifique pourraient trouver un vaste débouché dans l’Extrême-Orient, où la population est très dense, les animaux domestiques à peu près complètement absens, et où, dans bien des endroits, le lait est un article tout à fait inconnu.


IV

Pour si grande que puisse devenir la productivité du sol sibérien, la tendance à l’avilissement des produits agricoles pourrait susciter des craintes au sujet du développement de l’Asie russe, s’il ne devait être fondé que sur ce genre de ressources. Mais le sous-sol est plus riche encore que le sol lui-même ; les gisemens minéraux qui exercent le plus de séduction sur les hommes y abondent, aussi bien que beaucoup d’autres, moins brillans, mais plus essentiels à la prospérité durable d’un pays. Les mines de métaux précieux sont jusqu’à présent les seules qui aient été exploitées sérieusement, bien que quelques gisemens de fer aient aussi été effleurés. Même pour l’or, on ne s’est porté encore que sur les placers, les alluvions aurifères des vallées, et nulle part on ne s’est attaqué aux filons eux-mêmes. Il ne pouvait en être autrement dans ce pays sans voies de communication, -où le transport des machines perfectionnées et très lourdes, des pilons, des concasseurs qu’exige l’extraction de l’or contenu dans les roches dures aurait entraîné des frais énormes, où il aurait fallu aller reconnaître les gîtes minéraux à de très grandes distances des centres de peuplement, au milieu de forêts et de montagnes inexplorées, où l’on aurait enfin réuni difficilement le capital nécessaire à de pareilles entreprises. Les placers, au contraire, situés plus à portée, dans les vallées, se contentant d’un outillage bien moins compliqué et moins dispendieux, puisqu’il s’agit simplement d’extraire du sable et de le laver, les placers sont déjà exploités en grand nombre d’un bout à l’autre de la Sibérie, d’où provenaient, dès 1895, les deux tiers de la production totale de l’empire russe, qui est, on le sait, le quatrième des grands centres aurifères du monde. Il ne le cède en importance qu’aux États-Unis, à l’Australie et au Transvaal, et la valeur de l’or extrait de ses mines en 1895 s’élevait à 125 millions de francs.

C’est là un chiffre officiel, déjà considérable, mais qui reste