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d’avoir, dans leur vide profond, fait craquer et pétiller de fugitifs et fantasques feux d’artifice.

Pour cela, il leur a prêté une langue, qu’il a en partie inventée ; et c’est peut-être là le mérite le plus rare de sa pièce. L’origine de cette langue, c’est l’argot du boulevard, des cercles et aussi de beaucoup de salons, cet argot recueilli, il y a quinze ans, par Gyp, l’étonnante rénovatrice du genre « Vie parisienne ». Mais, au lieu que, dans la réalité, ils se contenteraient d’user docilement des quelques locutions colorées et canailles qu’ils ont apprises, les personnages du Nouveau Jeu en trouvent continuellement d’inédites ; et leur langage est comme un tissu de métaphores cocasses, de synecdoches débraillées, et de familières et violentes hypotyposes. Et Costard, Labosse, Bobette et les autres nous apparaissent ainsi comme des façons de poètes burlesques.

C’est ce langage, outré, convenu, mais d’un pittoresque et d’un mouvement extraordinaires, et ce sont les innombrables sautes de sentimens et d’idées que ce langage exprime, qui font l’intérêt de la simple et folle aventure de Paul Costard. Joignez-y un renversement presque continuel des rapports normaux entre les personnages, — lesquels sont tous de joyeux « hors-la-loi », et dont la psychologie fait exprès d’être souvent à rebours de toutes les prévisions des psychologues assermentés. — La jeune fille de bonne bourgeoisie que Paul Costard se décide subitement à épouser, c’est aux Folies-Bergère qu’il l’a rencontrée. Lorsqu’il en fait part à sa mère, c’est à une heure du matin, près de la table où traînent les restes d’un souper, et pendant que sa maîtresse attend dans le cabinet de toilette. Et le projet parait tout à fait drôle à cette bonne mère aux cheveux rouges, « gobée » de Bobette qui un jour, étant malade, a reçu d’elle un panier de vin. — Or, le lendemain, venu chez Labosse pour faire sa demande, qui est instantanément accueillie, Costard reconnaît dans son futur beau-père le vieux monsieur avec qui il a fraternisé l’autre nuit, chez Baratte, à quatre heures du matin : et de se taper sur le ventre, et de se rouler de rire, tant « elle leur semble bonne ». — Peu de mois après, l’idée d’être trompé par sa femme amuse tellement Costard, que Bobette ne peut se tenir de lui apprendre que « ça y est » en effet. « Tiens ! vous ne riez plus » ? dit-elle. « Attends que ça vienne », répond-il. Et ça vient. Et il est vraiment « très bien » dans la scène où, son petit chien sur le bras, il fait constater le « flagrant délit » de sa femme : mais celle-ci est mieux encore lorsqu’elle ôte son corsage, dont les manches la gênent, pour remettre son chapeau, et se fourre ensuite, par pudeur,