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Sans parler de ses très nombreux articles de critique, je citerai et louerai sa monographie si distinguée de la Farnésine, qu’il avait religieusement étudiée, qu’il a délicatement décrite et aimée de tout son cœur. Pour terminer sur ce chapitre, je vais réparer une injustice que beaucoup de ses admirateurs commettent à l’égard d’Edmond About. Séduits par ses romans, éblouis encore aujourd’hui par le pétillement d’étincelles qui jaillit du Roi des montagnes et de la Grèce contemporaine, ils oublient ou ignorent qu’About fut un critique d’art fort instruit, et judicieux autant qu’incisif. Si mon affirmation étonne et peut-être scandalise un lecteur grave, qu’il ouvre, par exemple, le volume intitulé : Nos artistes au Salon de 1857, il y reconnaîtra que, procédant en arbitre entre le dessin et la couleur, entre Ingres et Delacroix, entre le réalisme et l’idéalisme, About prononce de justes jugemens. Et cela, d’après des règles et des principes qui confinent à l’esthétique ou y rentrent, sans que, bien entendu, cette science soit nommée. L’impitoyable railleur des modernes Hellènes, avait subi à Athènes l’influence immortelle de certains maîtres antiques. Son ironie désarme quelquefois un instant, et alors il écrit des définitions telles que celle-ci : « La critique n’est pas une croisade contre les maladroits, mais la recherche du beau dans les arts. » Dieu me garde de prétendre que, sans nous, nos successeurs ne se seraient pas avisés d’écrire sur le beau et sur les arts ; la Grèce leur en a parlé assez haut ; sa voix eût suffi pour les appeler de ce côté ; ce que je tiens simplement à dire, c’est que cette voix, nous, les vieux, nous l’avions déjà entendue et comprise.


VI

En dehors du spectacle des monumens et de l’étude du pays, les membres de l’Ecole d’Athènes, en 1847-49, n’étaient pas riches en ressources pour leurs travaux. L’Ecole n’avait pas de bibliothèque. Nous avions recours à celle de l’Université d’Athènes, qui avait été classée au nombre des bibliothèques de France par M. de Salvandy. Mais on aime à travailler chez soi et sur des livres à soi. Nous en achetions chez les libraires de la ville, qui n’en avaient guère et en demandaient fort cher. M. Daveluy mit à notre disposition tous les siens qu’il avait fait venir, en attendant qu’il pût, ce qui n’a eu lieu que plus tard, former une bibliothèque qui fût nôtre et dans notre maison. Sa sollicitude toujours éveillée