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V

Le décret du 9 février 1859 portait création, à l’Ecole d’Athènes, d’une section d’architecture composée de quelques élèves pensionnaires de l’Ecole de Rome. Cette mesure ne méritait que des éloges. Toutefois elle ne faisait en réalité que sanctionner ce qui existait depuis au moins douze ans. Au mois de mars 1847, lors de notre première visite à Patissia, M. Piscatory nous mit en relation avec l’architecte Paccard, détaché de l’Ecole de Rome et auquel le ministre de France donnait l’hospitalité dans sa propre résidence. Paccard exécutait à ce moment, avec un rare talent, une admirable restauration du Parthénon, état actuel et état primitif mis en regard l’un de l’autre. Ce beau travail est aujourd’hui dans une des salles de la Bibliothèque de l’Ecole des Beaux-Arts. Son camarade Tétaz ne tarda pas à nous rejoindre. M. Desbuissons, architecte distingué comme eux, et de la même Ecole, nous arriva en mai 1848, avec Gandar, Tétaz et M. Desbuissons logeaient dans notre maison.

Je ne saurais dire combien nous fut utile la société de ces excellens artistes. Pour M. Emile Burnouf et pour moi, en particulier, ils devinrent bientôt de véritables maîtres, sans y penser, sans y viser. Ils travaillaient à l’Acropole, montés sur des échafaudages, mesurant, chiffrant, dessinant, prenant des profils, notant des écartemens, des hauteurs, recueillant de petits et précieux fragmens de peinture rouge ou bleue. Pendant ce temps, assis en bas sur les marches, avec nos auteurs anciens et modernes, M. Emile Burnouf et moi, nous leur posions des questions précises, techniques, auxquelles ils répondaient de là-haut. Et nous, de prendre des notes aussi fidèles que possible. Grâce à cette collaboration prolongée et consciencieuse, des travaux sérieux furent accomplis. M. E. Burnouf, dès cette même année 1847, envoya à la Revue des Deux Mondes, qui l’inséra le 1er décembre, une monographie du Parthénon très complète. Il y avait décrit, d’après les auteurs anciens et l’étude du monument sur place, l’architecture jusque dans ses plus fins détails ; les sculptures des frontons, des métopes et de la frise ; les peintures telles que certains vestiges permettaient de les conjecturer. Il y avait marqué enfin le caractère religieux de l’édifice et ses rapports avec les arts, la littérature et la philosophie du temps.