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Beaucoup n’en ont même jamais eu connaissance. Quant à nous, dès que nous fûmes suffisamment capables de nous exprimer dans la langue du pays, nous nous mîmes à l’œuvre.

Des classes furent organisées. Le matériel, composé de quelques bancs de bois, passait de chambre en chambre, transporté par les palikares à notre service. Pendant plusieurs mois, les plus âgés de nous enseignèrent la littérature française et l’histoire. Les autres, changés en maîtres d’école primaire, et ne s’en plaignant point, expliquaient, en grec moderne, la langue française à une vingtaine d’élèves. Parmi les miens, j’ai compté des fils des meilleures familles de l’Attique et du Péloponèse et des enfans venus des îles, surtout d’Hydra. L’École jetait par-là ses premières racines. Elle prouvait d’une autre manière encore combien elle appréciait l’amour des Hellènes pour les études sérieuses, en publiant, le 1er novembre de la même année, dans la Revue des Deux Mondes, un article sur l’Université d’Athènes et l’Instruction publique en Grèce.


II

Dans certaines écoles, a-t-on dit, les vocations arrivent toutes faites ; à l’Ecole d’Athènes, elles se font. Cette observation, qui demeure assez exacte, l’était absolument au début. Les fondateurs le comprenaient. Aussi, quoiqu’ils fussent désireux de publier des résultats positifs le plus tôt possible, ils s’abstenaient de trop éperonner les agrégés ; ils attendaient avec patience que le séjour et le travail eussent porté ces fruits qui signalent et les aptitudes et la direction plus précise à imprimer aux esprits. M. Guigniaut, l’ami dès la première heure, le constant défenseur, le conseiller prudent de l’Ecole, le juge attentif et bienveillant de ses efforts, n’ajoutait, dans sa correspondance, rien à ses précédens avis. Après une année d’expérience, M. de Salvandy en restait à sa conception initiale d’un perfectionnement des professeurs par l’étude en Italie et en Grèce des chefs-d’œuvre de l’art et de la littérature. Il se proposait seulement d’élargir graduellement le cercle des voyages, d’y comprendre la Sicile, l’Egypte, l’Orient, et au retour, Venise, la Bavière, l’Allemagne. Telle était également, avec quelques variantes, l’opinion de MM. de Saulcy, Victor Le Clerc, de M. Ozanam, de M. de Humboldt lui-même. Ceux donc d’entre nous qui ne visaient qu’à une culture plus haute