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réparations exigées ont été consenties envers le ressortissant allemand ; tous les coups de canon demandés ont été tirés pour saluer le drapeau de l’Empire. En somme, c’est une bonne leçon donnée à la petite république nègre, et personne n’aura à la regretter, si l’affaire s’arrête là. On assure, il est vrai, que l’Allemagne ira plus loin, et qu’elle demande encore l’emplacement nécessaire à un dépôt de charbon. Le gouvernement haïtien consentira à tout, car il se sent abandonné. S’il se montre d’ordinaire rebelle aux plus légitimes exigences de l’Europe, c’est qu’il compte sur le concours des États-Unis. Les applications récentes de la doctrine de Monroë ont fait du gouvernement de Washington le patron et comme le défenseur-né de tous les États de l’Amérique du Nord et du Sud, depuis les plus grands jusqu’aux plus petits. Ces derniers se sentent grands à leur tour, lorsqu’ils ont les États-Unis derrière eux. Haïti ne les a pas, pour cette fois. Ils ne se sont point émus de l’exécution sommaire dont Port-au-Prince a été menacé, et l’ont livré à son malheureux sort. Peut-être le temps matériel leur a-t-il manqué pour prendre une autre attitude. Peut-être le très grand nombre d’Allemands émigrés aux États-Unis oblige-t-il le cabinet de Washington à plus de ménagemens envers la patrie d’origine de tant d’Américains de fraîche date. Peut-être aussi ses desseins encore à demi voilés à l’égard de Cuba et de l’Espagne l’amènent-ils, en ce moment, à une modération plus grande envers les autres puissances de l’Europe. Quoi qu’il en soit, les États-Unis n’ont pas bougé, et la doctrine de Monroë, hier encore si intransigeante et arrogante, s’est montrée tout d’un coup de plus facile composition.

Nous avons déjà dit un mot, il y a quinze jours, des événemens beaucoup plus graves de la Chine. Là aussi, des causes différentes, mais non moins efficaces, permettent au gouvernement local de se montrer pour l’Europe d’un maniement laborieux et délicat. La Chine est immense. Lorsqu’un incident survient sur un point éloigné des côtes, on l’apprend quelquefois longtemps après, et il n’est pas aisé d’en obtenir la réparation. La puissance dilatoire du Tsong-li-Yamen dépasse de beaucoup celle du sultan à Constantinople, ce qui n’est pas peu dire. Que faire pour le réduire, et le contraindre à céder ? Les expéditions en Chine sont lentes et coûteuses ; nous en savons quelque chose. Le Céleste Empire s’est donc habitue à traîner les moindres affaires en longueur, à plus forte raison celles qui présentent quelque importance. Plusieurs missionnaires allemands ont été maltraités, et deux ont été tués dans la province du Chan-Toung. Le gouvernement