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LES
LIVRES D’ÉTRENNES

Parmi les œuvres d’imagination qui, pour le renouveau de l’année, apparaissent embellies avec tant de goût, parées avec tant de soin et d’élégance, ornées de gracieux dessins, richement habillées, entourées en quelque sorte d’un cadre magique pour en mieux marquer le prix, où l’on a mis en prose des coups de crayon, aux trois quarts faites par les dessinateurs, — dont les illustrations offrent le principal élément de succès, — et dont on pourrait dire que les auteurs se sauvent du naufrage de planche en planche, la plupart s’adressent à la curiosité plutôt qu’à l’esprit. Mais il en est aussi quelques-unes qui doivent leur origine à des préoccupations plus nobles, qui répondent au mouvement d’activité littéraire qui caractérise notre temps, où le dessin ne nuit pas au texte et n’en rompt pas l’unité. Comme il est un atelier d’idées, notre pays demeure un atelier d’art, et si les livres qu’on édite, à tant de frais, ne peuvent être tous des livres sérieux, à cette époque de l’année, beaucoup du moins sont remarquables par leurs compositions très originales et d’une agréable fantaisie.

L’histoire de l’ornementation des manuscrits et de l’illustration du livre est intimement bée à l’histoire même du développement de l’art en France et de la culture intellectuelle. Au XIIIe siècle déjà, c’est-à-dire au moment où s’épanouit le génie du moyen âge, l’art des miniatures brille en France de l’éclat le plus vif, l’école de Paris dispute à l’École de Bologne la prééminence dans l’art d’orner les manuscrits. Lorsque Dante, au XIe chant du Purgatoire, rencontre dans le Cercle des orgueilleux un des miniaturistes bolonais : « N’es-tu pas, lui dit-il, l’honneur d’Agobbio, l’honneur de cet art qu’on appelle à Paris enluminure ?


Non se’ tu Oderisi
L’onor d’Agobbio e l’onor di quell’ arte
Ch’alluminare é chiamata in Parisi ?