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remplacent le chant des cantiques. Ainsi, à Byzance qui, à certaines heures, semble le modèle de notre démocratie, depuis longtemps lasse dev Sparte et de la vieille Rome, les pompes de Sainte-Sophie pâlissaient devant les splendeurs de l’hippodrome, et les intrigues du palais se taisaient devant les factions du cirque.

Ici encore, le mal est flagrant ; il est facile de le peindre et d’en montrer les ravages ; c’est à peu près tout ce que peut le moraliste sincère envers lui-même. Il sait que décrire les plaies sociales n’est pas les guérir. Supprimer les courses, fermer les cercles et les casinos, — ou maintenir les courses sans les paris, les casinos sans le jeu, les cercles sans la cagnotte, — ne serait que le rêve d’un esprit qui ne connaît pas son temps. Ainsi en est-il de la Bourse et de la spéculation ; l’abus est si difficile à séparer de l’usage, qu’on ne peut guère se leurrer d’y parvenir. Ce n’est pas une raison pour ne point s’efforcer de limiter les abus. Nous ne serons jamais, quant à nous, de ceux qui, sous prétexte qu’on ne peut réprimer tous les excès, professent qu’il faut leur laisser libre cours. Dieu nous garde d’entendre ainsi la liberté, et d’appliquer aux vices, d’une âme indifférente, le laissez faire et le laissez passer ! Si difficile qu’il soit de trouver des remèdes et surtout d’en trouver d’efficaces, il vaut la peine d’en chercher. C’est ce que nous tenterons dans une prochaine étude.


ANATOLE LEROY-BEAULIEU.