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dont les plus honnêtes jouent, pour leur propre compte, avec les dépôts de leurs cliens.

Les grandes maisons, les grandes banques en butte aux attaques quotidiennes d’une presse passionnée sont des temples de vertu en comparaison de ces cavernes financières. S’ils sont vraiment en train de concentrer toutes les affaires de Bourse ; si, en fondant partout des succursales, les grands établissemens de crédit tendent à centraliser les commandes et, comme disent leurs détracteurs, à monopoliser les opérations financières aux dépens des petits comptoirs, des petits changeurs, des petits cabinets d’affaires, le moraliste doit s’en féliciter, car non seulement les grandes maisons assurent au public plus de garanties, mais elles ne lui offrent pas les mêmes tentations ; elles ne le poussent pas de même à spéculer. Plus anciennes et plus importantes sont les maisons de banque, moins elles stimulent le goût du jeu ; elles dédaignent ces vils procédés et ces profits suspects. Les petites agences, au contraire, alors même qu’elles sont relativement honnêtes, ne sont trop souvent que des officines de jeu, où l’on ponte sur les cours de la Bourse, comme au fond de louches boutiques on parie sur les chevaux et les jockeys. Moins il en restera, moins elles feront de ruines. En multipliant leurs succursales, les grands établissemens, que le vulgaire accuse de dévorer les petits, accomplissent une œuvre d’assainissement public.

Ce n’est pas à dire que ces grands établissemens soient toujours sans reproche. Certains d’entre eux ont aussi leurs fautes, dont pâtissent d’autant plus de victimes que plus vaste est leur sphère d’action. Ils n’ont pas toujours la conscience nette ; ils ont, eux aussi, leurs péchés et, à ces péchés, la malignité publique ajoute souvent des crimes imaginaires. Trusts ou coalitions de banquiers, monopoles et tentatives d’accaparement, syndicats à la baisse ou à la hausse, émissions de titres à des cours exagérés, prélèvemens outrés sur la constitution des sociétés, voilà, pour ne prendre que les plus sérieux, bien des chefs d’accusation dans le procès intenté, chaque jour, à la finance par la presse.

Ces griefs ne sont pas tous | d’égale valeur, et ceux dont on fait le plus de bruit ne sont pas toujours les plus fréquens ou les plus graves. Ainsi des coalitions et des accaparemens. Rien de plus dangereux pour qui les entreprend. L’histoire financière du dernier demi-siècle montre combien les denrées ou les marchandises de