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égoïstes et malhonnêtes, et de nous diminuer la profonde beauté de son action à force de paraître n’en pas souffrir — et même n’y rien comprendre, lui tout le premier.

Mais la pensée de la pièce est pure et haute en son intransigeance quasi mystique, et dont le mysticisme (je m’en avise enfin) prend une singulière saveur, enfoui qu’il est dans une pièce dont l’exécution est toute réaliste. — Un fait certain, c’est que tout le monde dans la salle jugeait Denis Roger idiot et ne s’en cachait pas. Cela seul me rendrait la pièce vénérable.

Constatons ici, une fois de plus, la fin de la dernière forme du naturalisme, qui fut la « rosserie » (encore pardon pour ce mot, vilain, mais irremplaçable). Aux temps héroïques du Théâtre-Libre, sur les planches de la Gaîté-Montparnasse, il est clair que la probité de Denis Roger n’eût pas tenu jusqu’au bout contre l’assaut de sa famille conjurée. Pareillement, dans cette vive et divertissante et si adroite comédie de Médor, — amère autant qu’il sied, mais non pas plus, qui commence comme du Maupassant et qui finit comme du Labiche, — il est clair que, il y a dix ans, le pauvre Valuche, opprimé par Bondaine, n’eût tenté que de vaines révoltes et eût finalement accepté le partage de tout, y compris sa femme, avec son jovial et encombrant ami. On pourrait, comme l’a fait tranquillement M. Brieux pour Blanchette, refaire à toutes les pièces de l’ancien Théâtre-Libre des dénouemens optimistes et moraux ; et elles plairaient autant qu’elles ont plu, et même davantage : non que le pessimisme ait cessé d’être le vrai, mais parce qu’on s’est aperçu que l’optimisme l’était aussi, et parce que le pessimisme a beaucoup duré.

En somme, ce commencement de saison dramatique est fort brillant. Et je ne vous ai pas tout dit. J’aurais pu vous parler de l’Aveu de M. Gleize, qui, en dépit de quelque incertitude dans la composition et de quelque affectation dans la forme, est une comédie fort « intelligente » ; et de Hors les lois, de MM. Marsolleau et Byl, et du Monsieur noir de M. d’Antin, deux bagatelles diversement amusantes et jolies. Mon impression de ce mois-ci, c’est que jamais le talent n’a été aussi répandu. Et j’ai des raisons de croire qu’elle persistera le mois prochain.

L’intéressant et si vivant Théâtre-Antoine vient de donner le Repas du lion, drame en cinq actes de M. François de Curel. Je ne puis que vous annoncer aujourd’hui cette œuvre saisissante, d’une imperfection magnifique.


JULES LEMAÎTRE.