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La Communauté des marchands fréquentans avait, nous l’avons vu, travaillé constamment à entretenir le fleuve en bon état, jusqu’à sa suppression en 1772, par ses curages, ses chevalages[1]. Le service des Ponts et Chaussées, succédant à la Communauté, en prit les obligations. Mais la Révolution survint qui arrêta tout. Les inondations de 1789 et 1790 auraient exigé un crédit supplémentaire de 493 500 livres ; on n’allait même plus pourvoir aux dépenses annuelles !

Jusqu’en 1792, les fonds des turcies étaient de 100 000 à 120 000 francs par an. En l’an VII on n’alloue que 5 700 francs ; en l’an VIII, 37 074. « Depuis la Révolution, les turcies et les levées, réunies aux Ponts et Chaussées, ont subi les mêmes effets du même défaut de moyens dans le trésor public et de l’espèce d’abandon où, successivement, les travaux publics ont été laissés. » Ainsi s’exprime le conseil général du Loiret en l’an IX ; le gouvernement consulaire, cette même année, réduisait le crédit de moitié : 18 895 francs. Vainement le conseil réclama un minimum de 100 000 francs. En 1809, on donne 80 000 francs, et en 1810 20 000 pour remonter à 54 000 en 1814. Aussi partout les berges s’effondrent, les chemins de halage sont rongés, le lit s’ensable et la navigation souffre. La loi de floréal an X avait pourtant créé des droits de navigation destinés à entretenir les cours d’eau. On les détourna de leur but. De l’an XII au 1er janvier 1811, on perçut 981 370 fr. 21 ; les dépenses pour le même temps furent de 516 580 fr. 27. L’État gagnait 460 000 francs ! De 1811 à 1816 les recettes montent à 557 562 fr. 27, les dépenses à 159 972 fr. 90 seulement. De même dans la suite. On parle aujourd’hui de l’état lamentable de la Loire ; on ne croit pas à son importance passée ; songe-t-on jamais à l’abandon où les pouvoirs publics l’ont laissée ?

On en revint aux dignes submersibles, de 1820 à 1850. En 1825, entre Chouzé et l’embouchure de la Vienne, on construisit trois digues ; vers 1837, on y ajouta de nouveaux épis pour les rattacher à la rive. Résultat : un ensablement se produisit sur trois ou quatre kilomètres de longueur et 300 mètres de large, devant le port même de Chouzé. En 1831, même système à Briare ; de 1834 à 1838 à Orléans, pour prolonger le duit, ou passage rétréci. Inlassable, l’administration généralisa le procédé, l’appliqua à l’Indre-et-Loire, le proclama bon pour les départemens

  1. Où appelle ainsi l’opération par laquelle, en poussant de larges planches dans le sable, on ouvrait un passage à travers les hauts-fonds mobiles.