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faire opérer, n’a en vue que l’indication thérapeutique. Il se pose cette question : Le conseil est-il désintéressé ? Généralisant les bruits qui sont venus à ses oreilles, il englobe tout le corps médical dans cette même méfiance. Peut-être, au début, les médecins qui « dichotomisaient » ne se rendirent-ils pas compte de la disqualification et de l’état de suspicion où ils plaçaient le corps médical. Aujourd’hui, ils ne peuvent ignorer que ce procédé a été l’agent le plus actif du discrédit jeté sur les médecins. Je veux croire qu’ils réfléchiront et renonceront à de telles pratiques, car l’opinion publique est sévère pour nous.

Dupin a bien dit : « On ne conclut pas, ou l’on conclurait mal du particulier au général, et d’un fait isolé à des cas qui n’offriraient rien de semblable. Chaque profession renferme dans son sein des hommes dont elle s’enorgueillit, et d’autres qu’elle désavoue. » Que le corps médical ait le courage de prononcer ce désaveu.

Telles sont les raisons qui ont ébranlé la foi du public. Elles sont exagérées, mais elles gouvernent en ce moment l’opinion ; le corps médical ne doit pas les ignorer.

Ce discrédit est immérité, et j’ose dire que, dans aucune des professions avec lesquelles je me suis trouvé en contact, je n’ai trouvé un dévouement plus absolu, plus constant. Je ne veux pas parler du dévouement accidentel dans les épidémies, ou de celui que provoque l’explosion d’une guerre ; le danger et une certaine gloriole sont de puissans excitans ; je veux rappeler le dévouement obscur du médecin qui, chaque jour, à la ville et à la campagne, va voir son client, le soigne avec un courage et une abnégation sans bornes, au point même, dans certains cas, d’engager, pour couvrir son malade, sa réputation personnelle.

Le médecin doit toujours songer que le malade lui a confié sa santé, sa vie et l’avenir des siens ; il faut que cette responsabilité et cette confiance le touchent, le préoccupent. Je plains le malade qui a pour médecin un indifférent, qui ne se pose pas constamment cette question : « Ai-je fait tout ce que l’on pouvait faire ? ai-je négligé quelque indication ? » Le malade attend son médecin, il guette son arrivée, et le meilleur calmant pour lui est de savoir qu’il existe un homme en qui il a confiance et qui compatit à ses misères. Il faut que cet intérêt que lui porte son médecin soit manifeste.