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ses œuvres les plus nouvelles, je pensais à la belle chose qu’est la vieillesse, quand elle demeure saine, vaillante et laborieuse, je pensais aux lumineuses soirées qui terminent parfois les jours glorieux de l’été...

Les images, les sensations, les rêves de cette longue vie se reflètent dans les œuvres inégales et diverses de l’Exposition, assez nombreuses pour en être l’illustration presque complète. Avec un peu de méthode, ne pourrait-on les grouper par époques ? On verrait alors l’artiste tâtonner longuement sous les influences successives qu’il a subies, s’imprégner d’abord d’un romantisme dont il conserva toujours quelques traits, auquel nous devons les « sujets » un peu grandiloquens que les peintres ont peine à lui pardonner ; puis imiter les imitations de son maître Schirmer, et de Karl Friedrich Lessing, — mais avec un talent déjà bien plus puissant, avec un instinct de la composition bien plus sûr, avec des moyens bien plus personnels ; découvrir ensuite, presque à la fois, les Flamands et les Italiens, Rubens et Titien, Jordaëns et Botticelli, et les mélanger avec une sorte d’insouciante abondance, en abeille qui butine sur toutes les fleurs ; enfin, dégager une individualité désormais maîtresse d’elle-même, en laquelle les élémens étrangers se sont unifiés, qui s’affirme avec une autorité telle, qu’un tableau marqué de son empreinte est reconnaissable au premier coup d’œil, quel qu’en soit le motif ou le sujet. « Bizarre » encore ? Si l’on veut : étonnant d’abord, comme tout ce qui est imprévu, puis s’emparant, comme tout ce qui est vraiment fort, de votre attention, de votre émotion, et vous imposant d’admirer. Beaucoup, je crois, ont fait la même expérience : ils avaient vu les Bœcklin de la collection Schack, ou ceux des galeries de Munich ou de Berlin, et, de cette première rencontre, n’avaient rapporté qu’un étonnement plutôt méfiant, ou même un peu railleur. Cette impression, ils l’ont retrouvée en parcourant les trois salles de la Kunsthalle ; mais bientôt, leur œil s’est accoutumé aux procédés du maître, aux hardiesses de son dessin cependant si précis, à l’éclat de ses couleurs vives, à ses valeurs balancées avec une science qui permet toutes les audaces ; et ils n’ont plus trouvé d’étonnant dans cet art que l’étonnement qu’ils en avaient eu d’abord, ils n’y ont plus reconnu d’autre parti pris que celui qui les aveuglait.

Les plus facilement accessibles parmi ces œuvres, celles que le visiteur acceptera les premières, ce sont certainement les paysages historiques ou romantiques. Bœcklin a peint en abondance des villas