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prochaines, se reconnaîtront à ce signe. Autour de lui se formera peut-être une concentration d’un nouveau genre, où l’apaisement des querelles d’autrefois, désormais sans objet immédiat, permettra à des préoccupations plus urgentes de se faire jour. Ce n’est plus aujourd’hui la république qui est sérieusement attaquée et menacée, mais la propriété, et c’est de celle-ci qu’il convient de défendre les approches. La suppression de la propriété individuelle conduirait à la fois au ralentissement de l’initiative privée et à l’établissement du despotisme social. M. Poincaré proteste contre ces conséquences, et contre les principes qui y conduisent. « Si nous interrogeons l’histoire, dit-il, que nous apprend-elle ? Qu’un système social fondé sur la toute-puissance de l’État, loin d’être une heureuse nouveauté, serait un effroyable recul ; que l’évolution des sociétés civilisées s’est toujours faite au profit de la liberté individuelle ; que la propriété privée, forme tangible de cette liberté, est, comme elle, une condition du progrès moral et matériel ; qu’à moins, par conséquent, de vouloir violenter la nature et défier la raison, les démocraties modernes doivent chercher leur développement normal dans le complet épanouissement de la liberté humaine. »

Nous citons ce passage de M. Poincaré, nous parlons de tous ces discours, parce qu’on y voit se dessiner les grandes lignes de la bataille qui commencera dès demain à la Chambre, pour continuer bientôt devant le pays. C’est au pays que s’adressent déjà tous les orateurs, et qu’ils continueront de s’adresser, de la tribune du Palais-Bourbon. En somme, la période électorale est ouverte. Les radicaux et les socialistes savent bien qu’ils ont peu de chance de renverser le ministère ; ils en conviennent même ; aussi en appellent-ils de la Chambre aux électeurs. C’est pour ces derniers qu’ils parlent. Nous doutons que la voix de M. Mesureur ait pénétré bien profondément dans leurs esprits, et qu’elle y ait couvert celles de M. Barthou, de M. Poincaré, de M. Méline. Mais il est probable que les radicaux et les socialistes tiennent encore d’autres orateurs en réserve. Le moment est venu pour eux de faire connaître leur programme commun, s’ils en ont un ; leurs programmes distincts, s’ils préfèrent combattre chacun de leur côté. Attaquer le ministère, l’accuser d’alliance cléricale, ou de collusion avec la droite, est faire une œuvre purement négative ; cela peut être bon à la Chambre, comme manœuvre parlementaire ; mais, devant le pays, il convient de prendre les questions d’un peu plus haut, d’oublier pour un moment les hommes et d’envisager les choses en elles-mêmes. Ni les radicaux, ni les socialistes, au cours des quatre années qui