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REVUE LITTÉRAIRE

LES LETTRES DE MÉRIMÉE[1]



Le genre épistolaire est un de ceux qui ont contribué jadis à caractériser notre littérature et à lui donner tout son charme. Il semble bien que nous l’ayons porté à la perfection et qu’on ne trouve nulle part ailleurs de correspondances aussi étendues, aussi variées, aussi agréables que sont les plus fameuses d’entre les nôtres. Les qualités de notre race y font merveille, toute la douceur de notre vie sociale s’y reflète. Mais aussi c’est un genre qui appartient déjà à l’histoire de notre littérature et fait partie de son passé. C’est un art délicat que nous avons laissé se perdre. Il ne suffit pas de dire que notre siècle n’aura rien à opposer aux lettres d’une Sévigné ou d’un Voltaire. Mais on a fait des recueils de lettres du XVIIe et du XVIIIe siècles : ils sont à juste titre devenus classiques. Nul doute qu’on ne compose un jour pour le XIXe siècle quelque recueil analogue. Un Joseph de Maistre, un Doudan, qui sont des hommes d’ancien régime, y feront bonne figure. Les lettres des principaux écrivains de ce siècle, de ceux qui ont imprimé le mouvement aux esprits, se distingueront précisément par ceci : qu’elles ne sont pas des lettres. C’est ce que prouvent avec éclat de récentes publications. On nous a donné, dans ces derniers temps, beaucoup de lettres des maîtres du romantisme. Celles de George Sand ont plu par leur caractère scandaleux. Celles de Victor Hugo ont été une déception. A part celles qui sont adressées à

  1. Mérimée : Une Correspondance inédite, I vol. — Cf. Lettres à une Inconnue, 2 vol. — Lettres à une autre Inconnue, 1 vol. — Lettres à Panizzi, 2 vol. — Lettres à la princesse Julie. — D’Haussonville : Prosper Mérimée (Calmann Lévy).