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LE COMMUNISME EN AMÉRIQUE

LE COMMUNISME DANS LA FICTION

Equality, par Edward Bellamy, 1 vol. Appleton and Cie ; New-York, 1897.

Un des traits caractéristiques du voyage en chemin de fer aux États-Unis est l’irruption à intervalles réguliers, dans la longue galerie qu’on appelle le car, du jeune marchand de journaux, de livres, de chocolat, de maïs grillé, de bonbons divers ou de gomme à chiquer. A chaque station, il s’élance, porteur de paquets qui représentent tantôt la nourriture de l’esprit, et tantôt celle du corps ; sa voix aiguë vous crie aux oreilles avec des intonations toutes spéciales : Papers ! last novels ! choc’late ! candy ! sandwiches ! oranges, bananas ! pop corn ! chewing gum ! selon le cas ; et l’objet annoncé tombe sur vos genoux, ce qui ne veut pas dire qu’on vous le donne, mais simplement qu’on vous laisse le temps de la réflexion. Tout à l’heure une main preste vous le reprendra, à moins que vous ne témoigniez, en payant, l’intention de le garder. J’ai essayé par curiosité de la plupart de ces produits et l’un de ceux qui m’ont le moins désappointée, quoique je ne le trouve pas sans reproche, est encore le dernier livre de M. Edward Bellamy. Peut-être parce qu’il s’associe au souvenir enchanté d’une excursion dans les montagnes du Maine et parce qu’il est venu ajouter des réflexions intéressantes à celles que j’avais faites chez mes amis les Shakers, les seuls vrais communistes qui existent en Amérique[1].

  1. Des sept ou huit sociétés signalées comme prospères, il y a une vingtaine d’années (voir les Sociétés communistes aux États-Unis, 1er août 1875), toutes, sauf celle des Shakers, ont disparu ou sont expirantes. Celles du Tennessee, qui viennent de naître, n’ont pas encore fait leurs preuves,