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française : « Défiez-vous de l’empereur, nous disait-il, car il se défie de vous. Il croit qu’en présence de vos Chambres, il est impossible de suivre avec vous aucune relation d’affaires. Il tenait beaucoup au duc de Richelieu. Il avait manifesté, dans plusieurs occasions solennelles, combien il désirait lui voir conserver le pouvoir. Le roi Louis XVIII le lui avait promis ; mais il n’a pu le maintenir. Il vous considère comme les premiers révolutionnaires de l’Europe. S’il désire se charger lui-même de l’expédition d’Espagne, c’est dans un intérêt autre que celui dont il se prévaut vis-à-vis de vous. Il veut sans doute frapper les révolutionnaires de la péninsule et restaurer la monarchie espagnole ; mais il veut surtout traverser la France pour emporter à son retour votre charte et confisquer vos libertés[1]. »

M. de Montmorency était, il est vrai, prémuni par M. de La Ferronnays, notre ambassadeur à Saint-Pétersbourg, qui avait accompagné à Vienne l’empereur Alexandre, contre les artifices de M. de Metternich ; mais il était trop nouveau-venu dans les affaires diplomatiques pour n’être pas impressionné par les discours d’un politique aussi adroit et qui lui témoignait personnellement de la déférence. Malgré tout, épié par toute la diplomatie étrangère, il laissait entrevoir des dispositions belliqueuses. Le comte de Bernstorff, ministre des Affaires étrangères de Prusse, disait : « D’après le langage de M. de Montmorency, il est évident que la France veut la guerre. »

On voit que la diplomatie ne restait pas inactive à Vienne. M. de Metternich n’attendait que l’arrivée du duc de Wellington pour commencer les conférences a cinq et donner une sanction à tout ce travail préparatoire qui, dans sa pensée, devait empêcher notre intervention en Espagne, qu’il voulait prévenir à tout prix. Le duc de Wellington avait traversé Paris, dîné chez Louis XVIII, et conféré longuement avec M. de Villèle. La lettre de M. de Villèle du 22 septembre[2], où il rend compte à M. de Montmorency de son entretien avec le duc de Wellington, contient un passage intéressant, celui où le Président du cabinet dit au duc : 1° que la France ne consentirait point à donner passage à des troupes étrangères sur son territoire pour combattre la révolution espagnole ; 2° que nous ne porterions point la guerre en Espagne sur l’invitation et encore moins sur l’injonction des autres, mais

  1. Notes de mon père et journal de M. de Bois-le-Comte.
  2. Publiée dans sa Correspondance, t. III.