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liberté véritable, puisse reprendre les rênes d’un gouvernement qu’on a arraché par la force à ses royales mains. »

La constitution de cette régence fut une force pour l’opinion royaliste espagnole, qui trouva en elle un point de ralliement et une protestation contre le gouvernement révolutionnaire des Cortès. Bien qu’à l’exception du baron d’Eroles, elle se composât d’hommes d’une capacité ordinaire, elle excita l’intérêt des royalistes étrangers et des puissances alliées. Elle prépara l’intervention étrangère en faisant voir, par suite des nombreuses adhésions qu’elle trouva en Espagne, surtout à ses débuts, qu’il y avait une force intérieure sur laquelle on pourrait s’appuyer au besoin, tandis qu’en 1808, l’armée française avait trouvé contre elle l’unanimité de l’opinion nationale. Ce fut le point de départ de notre intervention.

En recevant ces tristes nouvelles, le cabinet français se trouvait placé dans un grand embarras. La lettre suivante de M. de Montmorency à M. de La Garde le démontre assez clairement[1]. Elle était ainsi conçue :

« Monsieur le comte, vous ne pouvez pas douter que la situation pénible, dangereuse peut-être du roi Ferdinand et de sa famille ne soit l’objet de la vive et constante sollicitude du roi ; mais en même temps Sa Majesté ne perd pas de vue tout ce que les derniers événemens présentent d’alarmant pour la France, pour l’Europe entière. J’ai tout lieu de croire qu’à Saint-Pétersbourg comme à Vienne, on attend avec autant d’impatience qu’à Paris l’issue de la crise, et qu’on jugera ses conséquences d’après le parti et les hommes entre les mains desquels tombera le pouvoir. Jusqu’à ce que j’aie moi-même acquis cette connaissance, il m’est impossible de vous donner des instructions précises, mais je puis vous donner un aperçu de notre propre situation, sous le rapport des affaires d’Espagne.

« Celles de l’Orient sont décidées ; il n’y aura pas de guerre. L’empereur Alexandre atout sacrifié à l’idée de maintenir la légitimité et l’ordre social en Europe. Il croit être appelé par la Providence à l’accomplissement de cette grande œuvre. Les affaires d’Italie sont loin d’exiger un congrès de souverains, puisqu’il ne s’agira guère que de fixer la diminution du plus ou moins de troupes autrichiennes dont la présence écrase les finances de

  1. Le vicomte de Montmorency au comte de La Garde ; Paris, 29 juillet 1822. Correspondance d’Espagne.