Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

China Merchant Cie n’envoie même plus ses navires dans les ports coréens ; les importations japonaises y étaient en 1894 de 12 500 livres sterling, en 1895 elles ont été de 78 000.

Ce n’est pas seulement chez eux, c’est en Chine même que les Japonais ont porté leur activité novatrice ; non contens de lier avec leurs voisins des relations d’échanges, ils sont allés sur place mettre en valeur les richesses du Céleste Empire. Voyageurs, commerçans, ingénieurs se sont répandus dans toute la Chine, se sont insinués jusque dans les provinces les plus reculées ; partout compris et partout bien reçus à cause de l’analogie de civilisation et de l’identité d’écriture, ils ont étudié, inventorié, supputé les richesses de l’Empire du Milieu et cherché les moyens d’en tirer parti. Initiés presque tous en Europe à nos procédés de civilisation, habitués dès leur adolescence à diriger, d’après les méthodes nouvelles, les grandes compagnies commerciales, les exploitations industrielles, agricoles, les jeunes Japonais ont l’énergie créatrice et l’esprit d’entreprise ; ils ont en eux-mêmes et en l’avenir de leur race, non pas la foi mystique des Slaves, mais cette confiance qui pousse à l’action pratique et emporte le succès. Très vite, ils ont commencé à établir en Chine des usines : le bon marché dérisoire de la main-d’œuvre les y encourageait ; la journée d’ouvrier coûte en Chine moitié moins qu’au Japon, soit cinq ou six sous de notre monnaie. Aussi les bénéfices sont-ils beaucoup plus considérables : les filatures chinoises rapportent 15 à 17 pour 100, celles du Japon ne rendent que 10 à 11. Séduit par les beaux bénéfices, les Chinois se laissent gagner aux idées nouvelles. Leurs capitaux, dissimulés pour échapper aux exactions des vice-rois, restaient improductifs ; ils commencent à les faire fructifier dans des entreprises industrielles dont ils confient la création et la direction à des ingénieurs japonais. Récemment, au Setchouen, un syndicat de hauts fonctionnaires et de gros commerçans a fondé ainsi une filature et une fabrique d’allumettes. L’exemple sera suivi : les industries les moins compliquées se développent d’abord, puis viendront celles qui exigent pour les ingénieurs de plus longues études, et pour les ouvriers un plus long apprentissage. On commence par les allumettes, et l’on finira par les locomotives, les canons et les cuirassés. Et pour toutes ces industries, les capitaux afflueront : la richesse mobilière du Japon s’accroît rapidement ; attiré par une plus forte rémunération, l’argent japonais vient jusqu’en Chine donner aux entreprises