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traité fut ratifié, le 20 mars, « avec un joyeux enthousiasme » ! dit le Moniteur.

Au bout de trois mois, on en était à ce résultat qu’au lieu de fournir de l’argent, les Cisalpins en réclamaient. « L’armée, écrit, le 29 juillet, le commissaire civil Faypoult, n’a pour ressources que les 1 500 000 francs dus chaque mois par la Cisalpine... Il faut plus de 4 millions par mois pour la solde et les administrations de tous genres. Il faut donc que la trésorerie nationale envoie ici 2 millions et demi par mois. » Or, la trésorerie n’enverra rien, ne s’alimentant depuis le commencement de la guerre que de contributions et de réquisitions levées à l’étranger.

Les soldats réclament leur solde, menacent de se révolter ; ils se révoltent çà et là, si on ne les paie pas. On fait argent de tout. On confisque les biens d’Eglise, mais personne ne les achète ; on supprime les monastères, mais c’est supprimer l’aumône en des pays où la mendicité est une institution, et le peuple se trouve plus misérable ; on enlève les vases précieux, on dépouille les madones, et le clergé excite les fidèles contrôles sacrilèges ; on prohibe les costumes ecclésiastiques, et le clergé, persécuté, devient plus populaire encore. La correspondance des quelques envoyés humains, ou simplement honnêtes et intelligens, que le Directoire possède en Italie, comme Daunou, comme Trouvé, Faypoult même quoique fiscal dans l’âme, rappelle celle qu’en 1793, les commissaires de la Convention adressaient de Belgique, de Hollande, des pays du Rhin au Comité de Salut public. « Vous voulez que ce peuple reste libre, écrit Daunou, ne le laissez pas épuiser et saigner jusqu’à blanc. » « Il faut enfin conquérir les esprits, écrit Faypoult. Nous ne devons pas d’un côté prodiguer le titre sentimental de sœur ou de fille aux nouvelles républiques, et de l’autre agir comme si les Français, supérieurs à leurs frères en liberté, devaient recevoir d’eux des tributs de préférences ou de jouissances arbitraires et onéreuses. »

Il n’était pas dans l’intelligence des Directeurs de changer leur politique. Ils ne pouvaient changer que les constitutions et les gouvernemens. C’est ce qu’ils firent. Les Cisalpins, impatientés de subir la domination de conquérans insatiables et le gouvernement de nationaux impuissans, en appelaient à Bonaparte : « Où étais-tu, libérateur ? » s’écriait Foscolo au souvenir de ces jours de misère. Pour les distraire, Brune, qui avait succédé à Berthier, leur donna le spectacle, devenu périodique, d’un coup