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à la Législative la majorité de la majorité, soixante fusionnistes, la loi de 1850 sur l’enseignement, l’expédition de Rome, la révision réclamée par 80 conseils généraux, ces résultats obtenus en deux ans attestaient l’efficacité de sa direction. Mais la question capitale demeurait insoluble : comment trouver une majorité dans la Chambre et le pays pour la royauté ? comment opérer la réconciliation des membres de la famille royale ? La reine Marie-Amélie, les princes y inclinaient, Louis-Philippe s’était montré favorable, mais, comme la duchesse d’Orléans s’y opposait, il avait opiné pour l’attente : tenant pour un grand mal la désunion de la maison de Bourbon, il ne voulait pas y ajouter le scandale de la maison d’Orléans. Quant à M. Thiers, qui, à tort ou à raison, passait pour refléter ou inspirer la politique de la mère du comte de Paris, il commençait à répéter dans ses conversations ce mot devenu prophétique : « La République est de tous les gouvernemens celui qui nous divise le moins. »

Le 1er décembre 1851, Berryer rencontra dans la salle des Pas-Perdus un groupe de députés, parmi lesquels Changarnier, Lamoricière, Baze. « Eh bien ! leur dit-il, c’est pour demain ; êtes-vous prêts ? » Ils demeurèrent incrédules ; seul, Lamoricière voyait le péril. « Vous n’êtes pas sur la liste ? répondit-il en riant ; moi, j’y suis. » Aussi bien M. de Persigny ne se gênait guère pour annoncer l’entreprise ; un royaliste lui ayant adressé cette requête semi-ironique, semi-sincère : « Prévenez-nous quand vous ferez votre coup, afin que nous puissions retenir nos places à la diligence. — Vous feriez mieux de les retenir au Sénat », répliqua le confident de Louis-Napoléon.

Le lendemain 2 décembre, Berryer et 220 de ses collègues se rendirent à la salle de la mairie de la rue de Grenelle mise à leur disposition ; il fut l’âme de la séance, proposa aux députés de procéder comme assemblée libre, au nom de la Constitution, de décréter la déchéance de Louis-Napoléon Bonaparte, la mise en liberté des représentans arrêtés, la nomination du général Oudinot au commandement en chef des troupes. Le décret de déchéance est transcrit, signé, Berryer ouvre une fenêtre, l’annonce à la foule indifférente, et la harangue. Il allait apprendre que la parole n’est pas le seul glaive des temps nouveaux, ce que devient une Constitution qui n’a d’autre auxiliaire qu’elle-même, le brutal démenti de la force à l’observation naïvement héroïque du jurisconsulte Valette : « L’acte est nul de plein droit ; ipso jure. » Les portes de