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chemin de fer congestionné dans son monopole, encombré au point de refuser des marchandises, arrête son essor ; de l’autre elle manque de bateaux. Non seulement j’ai vu les paquebots russes et japonais le long de ses quais venir prendre la place des nôtres, mais les industriels marseillais commencent à ne plus trouver de bateaux français dans leur port et j’en pourrais nommer qui sont réduits, pour continuer à servir au loin leur clientèle extra-européenne, à aller charger leurs marchandises à Gênes, à Anvers. « Nous payons, m’écrit-on, pour expédier par bateau français nos marchandises de Marseille à Yokohama 100 francs la tonne, tandis que par Gênes nous ne payons que 55 fr. 50. Pour nos expéditions en Australie nous ne trouvons même pas de fret ! » C’est pourquoi les dernières statistiques du canal de Suez nous montrent notre marine marchande perdant de plus en plus son rang, malgré la création de notre empire en Indo-Chine et de notre colonie de Madagascar, et venant en 1896 non seulement après l’Allemagne, mais après l’Italie, presque au niveau de la Hollande, avec 218 bateaux, quand les Anglais en ont fait passer 2 162, les Allemands 322, les Italiens 230.

C’est une admiration mêlée de colère que j’ai ressentie à Saint-Etienne, à Saint-Chamond, centre de l’industrie française la plus active, merveilleusement situé entre le Rhône et la Loire, et qui devrait être relié par conséquent à l’Europe centrale et à l’Océan : là des populations infatigables ont résisté jusqu’ici à la concurrence, elles méritent qu’on les soutienne dans l’intérêt général ; elles sont cependant isolées comme Marseille ; par une dérision incroyable, ce riche foyer de production reste entre le Rhône et la Loire, sans communication avec ces deux fleuves, ni avec les canaux voisins : on n’a pas même eu le courage de creuser le petit canal qui aurait amené aux forges de Saint-Chamond, par exemple, le canal de Givors ou celui de Roanne.

Là, du moins, l’incurie est si manifeste que le remède est tout indiqué. Il en est de même de la région de Nancy dont on a pu dire qu’elle est commercialement annexée à l’Allemagne et à la Belgique, et que son port d’attache est Anvers. Mais d’autres villes sont plus à plaindre parce que là on ne sait que faire. Je ne puis citer toutes celles que j’ai visitées : j’en ai trouvé qui luttent vaillamment et dont j’invoquerai le salutaire exemple, quand j’énumérerai nos ressources, Paris en tête, avec toutes celles dont j’ai déjà fait mention, sans oublier Rouen, Tours,