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franc-maçonnerie à franc-maçonnerie ; et, francs-maçons eux-mêmes de vieille date, ils instituèrent à Cavité une loge qu’ils appelèrent : « Première Lumière des Philippines », Primera Luz Filipina, sous le Grand-Orient de Lusitanie ; par l’intermédiaire des loges de Macao et de Hong-Kong, également soumises au rite portugais, ils la mirent en rapport avec les loges étrangères des villes voisines ; et plus tard ils y ajoutèrent, à Zamboanga, une succursale dont firent partie tous les marins, officiers et fonctionnaires en possession d’emplois à Mindanao.

Mais sur les entrefaites débarquèrent aux Philippines les convois de prisonniers déportés pour participation aux guerres civiles : des carlistes d’abord, « auxquels les ordres religieux firent fête »[1] ; puis des fédéralistes, cantonalistes ou socialistes, qui étaient pour les francs-maçons autant de recrues. Par là, et autrement encore, la révolution de 1808 eut son contre-coup dans l’archipel, envenimant des plaies secrètes et déchaînant créoles, métis et indigènes, dont le mécontentement, longtemps réprimé et dissimulé, put se donner plus librement carrière. Pour exploiter ce mécontentement qu’ils jugeaient arrivé au point où il produit l’insurrection, des étrangers, — et principalement, dit-on, le consul général d’Allemagne, — créèrent à Manille une nouvelle loge, du rite écossais et dépendant de celle de Hong-Kong. Auparavant, ils n’étaient francs-maçons que de loin et en quelque sorte à l’extérieur, manquant d’une hiérarchie capable de les réunir et de les organiser sur place ; désormais cette lacune allait être comblée, et les ennemis plus ou moins déclarés de la domination espagnole sauraient où se rencontrer. À ce rendez-vous des intrigues politiques, dès le premier jour, ils ne se trouvèrent pas seuls ; les naturels y furent empressés. On les accueillit amoureusement et tout de suite, les prenant par leur faible, on les constitua dans les dignités : le premier secrétaire de la nouvelle loge fut un métis d’Allemand et de créole, ce Jacobo Zobel Zangronis, qui eut plus tard l’entreprise des tramways de Manille et de Malabon, se mêla à mille affaires industrielles et fit une des plus grosses fortunes du pays[2].

Ainsi, deux espèces de loges : dans celles qui relevaient du Grand-Orient d’Espagne, entre républicains et indigènes, contre

  1. Selon M. fr. E. Vergara, qui est peut-être bien ici un peu suspect. Voyez La Masoneria en Filipinas, p. 10 et 11.
  2. Fr. E. Vergara, p. 9.