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colorations et fin de modelé, autant l’exécution du portrait du baron de Vicq est ferme, enlevée avec entrain, pleine de franchise et de décision[1]. La touche est, en revanche, singulièrement habile et précieuse dans le petit tableau de la Fuite de Loth signé et daté de 1625 par le maître. La composition, il est vrai, semble un peu élémentaire, et les personnages s’y montrent juxtaposés plutôt que groupés, partageant le panneau en tranches verticales successives, de nuances un peu diaprées; mais les tons neutres, bleuâtres ou bruns, de l’architecture, du ciel et du paysage rachètent ce bariolage, et assurent heureusement l’harmonie de l’ensemble. Quant aux deux figures placées à chaque extrémité, celle de l’ange à la chevelure blonde, et surtout celle de la jeune femme qui, d’un geste élégant, soutient une corbeille de fruits posée sur sa tête, elles sont toutes deux d’une grâce exquise et traitées d’un pinceau aussi facile que spirituel.

Comme s’il se reposait de l’une par l’autre, Rubens, on le voit, accepte toutes les tâches. Il y suffit, sans se presser jamais, conservant au milieu de son infatigable activité, cette humeur égale et avenante qui lui gagne toutes les sympathies. A l’époque fixée, les tableaux de la galerie étaient terminés, assez à temps pour que la princesse Henriette put les voir avant son départ pour l’Angleterre, ainsi qu’elle en avait manifesté le désir. L’artiste, de son côté, assistait au mariage par procuration de cette princesse, qui avait lieu le 11 mai 1625 à Notre-Dame. Deux jours après, écrivant de Paris à son ami Peiresc, il lui rend compte de l’accident dont il a failli être victime, et dans lequel M. de Valavès a été légèrement blessé. Afin de mieux voir la cérémonie, tous deux s’étaient placés sur une estrade réservée à la suite des ambassadeurs anglais. Mais, le plancher s’étant effondré sous le poids des assistans, Rubens, qui se trouvait assis à l’extrémité de cette estrade et de celle qui était contiguë, avait pu, à temps, se maintenir sur cette dernière au moment de la chute, tandis que Valavès était précipité dans le vide avec une trentaine d’autres personnes. Aucune d’elles cependant n’avait reçu de blessure grave, et Rubens, étant allé voir le malade, avait pu se convaincre que son état n’avait rien d’inquiétant. « Pour lui, il a quelques ennuis à propos de ses affaires personnelles, car il n’y a guère

  1. Ce portrait, on le sait, appartient au musée du Louvre, et il fut offert l’ambassadeur des Flandres par Rubens comme témoignage de gratitude pour son obligeante entremise dans la commande des tableaux de la galerie de Médicis.