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À ce point de départ, qu’on le remarque bien, toute comparaison avec les législations étrangères risquerait de nous égarer. Ainsi, l’on peut bien croire qu’une loi récemment promulguée en Suisse et donnant au conseil municipal de chaque commune le soin de fixer, après discussion et vote, la liste de présentation des jurés, fait merveille dans le canton de Genève. Mais, en France, un pareil système aurait l’inconvénient d’introduire les passions locales dans la confection des listes du jury, et de confondre ce qu’il faut séparer à jamais : la justice et la politique.

Pour ce même motif, nous repoussons la proposition de M. Boysset, qui donnerait chez nous la présidence de la commission cantonale au conseiller général. Laissons cette présidence à un magistrat de l’ordre judiciaire, mais, au sujet du choix de ce magistrat, faisons une observation.

Il faut bien reconnaître que quelques juges de paix n’ont pas encore, au point de vue de l’autorité personnelle et de l’indépendance, les qualités que de nouvelles lois touchant à leur recrutement et à leur compétence vont tenter de leur donner. Les maires n’ont pas toujours en eux un président aussi ferme, aussi sévère au besoin, et aussi détaché de la politique qu’il le faudrait. Nous souhaitons que la présidence de la commission cantonale soit désormais, et jusqu’à nouvel ordre, confiée à l’un des juges du tribunal civil d’arrondissement. Ce président, mieux dégagé de la politique locale, aura aussi plus d’autorité pour rappeler aux maires l’étendue de leurs devoirs. Ceux-ci (il faut, hélas ! le reconnaître) ont souvent grand besoin d’être stimulés. En bien des régions, non seulement ils ne se rendent pas à l’appel du juge de paix, mais ils ne daignent même pas s’en excuser ! Il faudrait que le président de la commission eût de l’autorité morale pour rappeler les maires à leur devoir, et au besoin des sanctions pour les contraindre[1].

La commission cantonale étant composée et la liste préparatoire formée, la loi ordonne que cette liste soit déposée au greffe.

Cela signifie sans doute qu’elle doit être mise à la disposition du public, et cela a son importance. Il faut en effet que le public puisse contrôler les choix, et au besoin porter ses

  1. Une petite réforme pratique, demandée par beaucoup de juges de paix, consisterait en ce que la loi prescrivît de réunir les maires pour la formation de la liste préparatoire du jury, non pas dans la première quinzaine d’août, comme cela a lieu actuellement, c’est-à-dire à un mauvais moment pour les cultivateurs, mais en mars ou en avril.