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plus vaste partie du monde réunie sous une même loi, l’une des plus petites républiques du globe, mais parce qu’ici également la législation de l’alcool vient de recevoir une modification profonde, et que le monopole fédéral, institué en 1886, nous est cité à tout instant comme un exemple à imiter. Pour le juger, nous nous appuierons sur l’opinion d’un des hommes le plus justement considérés chez nos voisins, M. Numa Droz, ancien président de la Confédération, qui a exposé à diverses reprises, d’une façon lucide, l’historique de ce monopole et ses effets.

Deux ordres de considérations ont conduit la Suisse à légiférer sur l’industrie et le commerce de l’alcool : les unes morales, les autres politiques ; les premières tirées du souci de la santé publique, et de la volonté de dégrever les boissons hygiéniques en surchargeant l’alcool, les secondes du désir de modifier la législation spéciale des cantons. Le 25 octobre 1885, le vote populaire sanctionna des modifications à la Constitution, qui permirent au département de l’intérieur de soumettre au Conseil fédéral trois projets de loi : s’inspirant tous trois d’un esprit de protectionnisme agricole, ils tendaient à créer une situation privilégiée aux agriculteurs et subsidiairement aux producteurs d’alcool indigène. La loi fut votée le 23 décembre 1886. Elle décide que le droit de fabriquer et d’importer les spiritueux, dont la fabrication est soumise à la législation fédérale, appartient exclusivement à la Confédération, et que celle-ci est tenue de pourvoir à ce que les spiritueux, destinés à être transformés en boissons, soient suffisamment rectifiés. Les spiritueux provenant de la distillation du vin, des fruits indigènes et de leurs déchets sont exceptés par la Constitution des prescriptions qui concernent la fabrication du produit et l’assiette de l’impôt, et le monopole ne s’applique qu’aux spiritueux obtenus par la distillation d’autres matières, principalement par celle des substances amylacées. Pour autant que les besoins doivent être couverts par la production indigène, la Confédération abandonne à l’industrie privée les fournitures nécessaires. Les livraisons sont mises au concours par lots de cent cinquante hectolitres au moins, et mille hectolitres au plus, d’alcool absolu. Une même distillerie ne peut obtenir qu’un seul lot. L’importation de spiritueux de qualité supérieure est permise aux particuliers, moyennant une finance de monopole fixe de 80 francs par quintal, en sus du droit d’entrée.