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LE MONOPOLE DE L'ALCOOL

L’alcool est un mal aussi bien que le tabac. L’humanité a vécu pendant des siècles sans connaître ni l’un ni l’autre et ne s’en est pas plus mal trouvée. Si la perversion des habitudes prises est telle que nos sociétés dites civilisées ne peuvent guère se passer ni de l’un ni de l’autre, tout le monde est à peu près unanime à reconnaître qu’il ne faut en user qu’avec modération, et que l’abus en est toujours dangereux, souvent fatal. Je ne sache pas que la longévité des femmes soit inférieure à celle des hommes : cependant la plupart s’abstiennent de tabac, et un très grand nombre d’entre elles ne consomment pas d’alcool ou en consomment infiniment moins que leurs maris. Ceux-ci croient les excitans nécessaires à cause de la tension nerveuse qu’ils leur procurent passagèrement : ils ne se rendent pas compte qu’ils usent ainsi leur organisme plus vite et abrègent leur existence, sous prétexte de se rendre la vie plus agréable et le travail plus facile. Laissant aujourd’hui de côté le tabac, dont le monopole savamment organisé ne nous froisse plus, parce que ce sont les générations précédentes qui ont directement souffert de son institution, nous examinerons l’alcool.

Faisons d’abord justice d’une opinion vaguement répandue et qui, par suite d’expériences mal dirigées ou mal comprises, menace de fausser encore un peu plus les idées du public, déjà assez confuses et erronées en la matière. On ne saurait distinguer les alcools en deux catégories, celle des bons et celle des méchans.