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s’était fait construire à Paris. Sans parler de la célébrité de son nom déjà répandue dans toute l’Europe, Rubens n’était pas un étranger pour la reine de France. Celle-ci avait pu entendre parler de lui par sa sœur Eléonore, la femme du duc Vincent de Gonzague au service duquel le peintre était resté pendant près de huit ans en Italie. Malgré leur séparation, les deux sœurs n’avaient pas cessé d’entretenir des relations très affectueuses. Elles échangeaient à chaque instant des lettres et de menus cadeaux de fleurs, de coiffures ou d’autres objets de toilette qu’elles s’amusaient à confectionner elles-mêmes. De son côté, Henri IV, qui trouvait le duc de Mantoue « beau joueur et beau diseur », se montrait pour lui plein d’affabilité. Peu de jours après la naissance de Louis XIII, faisant part de cet événement à son beau-frère, il l’assurait « de la bonne disposition de sa femme et de leur fils qui, disait-il, sera nourri à aimer les vôtres comme vous l’êtes du père », et dans la même lettre[1], il priait Eléonore d’être la marraine du jeune dauphin, ajoutant qu’à sa venue en France, « elle sera honorée et chérie comme elle le mérite. » Pour répondre à tant de bonne grâce, Vincent de Gonzague, qui avait déjà permis à sa troupe de comédiens italiens — alors très recherchée dans toutes les cours — de se rendre à Paris, pensa aussi un moment à y envoyer Rubens. Pendant que « son peintre » se trouvait en Espagne, il l’avait fait prier par son résident de repasser par la France afin d’ajouter à sa galerie de Beautés célèbres les images des plus jolies femmes de la cour, car il savait Henri IV très expert en ces matières. Mais Rubens avait habilement décliné la proposition et détourné vers son confrère Pourbus, mieux désigné à cet effet, une besogne qu’il jugeait indigne de lui.

C’est environ deux ans après l’assassinat d’Henri IV, que Marie de Médicis, qui jusque-là avait habité le Louvre, conçut le projet d’avoir une résidence à elle et se décida à faire construire le palais du Luxembourg dans un quartier alors assez désert, mais où s’étaient déjà bâtis quelques beaux hôtels, notamment celui de Concini, son favori. Les travaux, commencés en 1613, avaient été dirigés par Jacques de Brosses qui, sur l’ordre de la reine mère, chercha dans son plan à se rapprocher le plus possible du style du palais Pitti où elle avait été élevée. La magnificence des jardins répondait à celle des constructions et l’architecte

  1. Du 15 octobre 1601.