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que la situation est très grave, et qu’elle ne peut pas durer plus longtemps sans péril pour la République. A les entendre, la réaction relève partout la tête. L’administration n’obéit plus au gouvernement, mais bien à l’opposition d’hier, qui sera certainement celle de demain, et qui montre en attendant des exigences devant lesquelles tout le monde s’incline. En un mot, le ministère de M. Méline n’est plus maître de lui-même : les fils qui le font mouvoir sont entre les mains de l’ennemi ! On espère évidemment qu’à force de répéter les mêmes choses, on finira par les faire croire, ce qui arrive en effet quelquefois. Pour le moment, les députés de la majorité s’abordent entre eux et se demandent avec curiosité si, dans leurs départemens respectifs, le péril réactionnaire et clérical est vraiment redevenu menaçant : les réponses qu’ils échangent ne tardent pas à les rassurer. Depuis longtemps le pays n’avait pas été aussi tranquille. Les agitations provoquées par le ministère radical commencent à se calmer : si les choses durent ainsi pendant quelques mois encore, elles s’apaiseront tout à fait. Les préventions se dissipent ; on revient à une plus juste appréciation des choses et des hommes ; on remet les unes à leur point et les autres à leur place. Certes, pour les radicaux et les socialistes, c’est là un danger sérieux, et qui s’aggrave même de jour en jour. Nous ne pouvons que les engager à livrer le plus tôt possible au gouvernement le grand assaut qu’ils préparent, et pour lequel ils creusent dans les sous-sols parlementaires tant de mines et de contre-mines. Ils ne s’y sont pas encore risqués, mais ils le feront : un parti se perd s’il n’agit pas, surtout lorsqu’il est dans l’opposition. Pourtant, quelque chose de la belle humeur d’autrefois a disparu. Les interpellations mêmes, qui étaient naguère si fréquentes, se sont subitement raréfiées, et personne ne proteste contre le parti pris de la Chambre de les restreindre à un jour par semaine. Le reste du temps est consacré à des discussions plus sérieuses. Mais combien cela durera-t-il ? Tant de sagesse n’est pas chose naturelle. Il faudra bien qu’un jour prochain, à propos d’un incident quelconque, les griefs de l’opposition soient portés à la tribune. Il faudra bien qu’on s’explique et qu’on se compte. Il faudra bien qu’on sorte des bruits de couloirs, des rumeurs confuses, des confidences qu’on se fait à l’oreille et qui se répandent partout sans que personne en ait la responsabilité, pour énoncer à la tribune des faits précis, probans et topiques. Le moment, sans doute, approche : il n’est pas encore venu.


L’opposition n’a pas jugé que les affaires étrangères fussent de