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des constructions hâtives et éphémères, les talens et les ressources dont l’emploi plus utile leur semblerait trouvé dans l’achèvement méthodique et l’embellissement définitif de la noble capitale.

Quoi qu’il en soit, qu’on le remplace bien ou mal, ce n’est point sans un serrement de cœur que la génération grandie sous le second empire et qui, dans sa maturité, a pris part aux souffrances du pays et à son relèvement, verra disparaître ces murs respectables dans lesquels, durant un demi-siècle, à côté de tant de spectacles instructifs et utiles, ont été données tant de fêtes pour l’imagination et pour l’esprit. L’histoire du Palais de l’Industrie, pendant ces quarante ans, serait l’histoire des arts français. Sa situation, ses dispositions, ses dimensions, son éclairage, ont exercé, sur les destinées mêmes et la pratique de ces arts, une influence, tantôt heureuse, tantôt fâcheuse, mais très réelle et très visible, et dont on peut aujourd’hui mesurer retondue. N’est-ce pas sa situation, avenante et presque centrale, sur la plus belle promenade de Paris, à portée des quartiers actifs, qui a développé, dans toute la population, le goût même des expositions ? Ne sont-ce pas ses dispositions, si aisément modifiables, qui ont permis tour à tour aux collections les plus diverses de s’y installer dans tous leurs avantages, et, notamment, aux expositions d’arts décoratifs et industriels, soit rétrospectives, soit modernes, de développer à la fois un goût plus libre et des connaissances plus étendues dans le public et dans les producteurs ? En ce qui concerne les Salons mêmes, n’est-ce pas là que, pour la première fois, les tableaux ont pu être tous placés en bon jour, dans des salles de grandeurs diverses, et que les statues ont pu être disposées en plein air dans leur milieu naturel ? C’est par suite encore de l’ampleur des salles et de leur éclairage haut, égal, éclatant, que le nombre des peintures exposées s’est si notablement accru ; que le groupe restreint des artistes s’est de plus en plus grossi d’un contingent mêlé d’amateurs et d’apprentis ; que tant de peintres ont délaissé les cadres de petite dimension trop facilement écrasés, dans ce pêle-mêle et cet entassement, pour se perdre en de vastes toiles attirant plus vite l’attention ; que toutes sortes d’habitudes d’improvisation, de réclame, d’excentricité tapageuse se sont développées ici, au détriment de la sincérité, jusqu’à ce que, sans cesse grandissantes et se croyant encore emprisonnées dans cet immense local, elles aient enfin débordé au dehors pour trouver encore plus d’espace, plus d’indépendance, plus d’indiscipline.