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particulièrement représentée par les produits de telles ou telles nécropoles. Quelques-uns de ces cimetières ont un caractère très tranché, la vie du village dont ils dépendaient ayant pris fin bien avant que les Sikèles fussent hellénisés. Ailleurs, là où un même site, choisi pour les avantages qu’il offrait, n’a jamais cessé d’être un centre de quelque importance, on trouve des groupes de tombes qui appartiennent à des âges différens. C’est le cas par exemple pour Pantalica. On y compte plus d’un millier de caveaux taillés, par files qui s’étagent les unes au-dessus des autres, dans les parois à pic des ravins sinueux (les cave, comme on dit dans le pays) entre lesquels se dresse l’étroit plateau où s’était fondé le bourg sikèle qui est devenu la ville d’Herbessos. Toutes ces sépultures ne peuvent être du même temps ; bien des siècles se sont écoulés entre l’heure lointaine où les premiers habitans de ces lieux ont commencé d’attaquer péniblement le roc calcaire avec leurs haches de basalte et celle où, pourvus d’outils de bronze et plus tard de fer, ils y ont creusé, avec moins d’effort, des chambres plus hautes et plus larges, dont la façade offre déjà comme l’ébauche d’une décoration architecturale.

Ce n’est pas seulement sur le mobilier des nécropoles qu’a porté l’enquête de M. Orsi ; il a aussi pu, en maints endroits, à Stentinello, sur une plage déserte au nord de Syracuse, à Castelluccio, dans un site qui rappelle celui de Pantalica, examiner les détritus, les rebuts des anciens villages sikèles, et c’est ainsi, en réunissant ces matériaux de provenances diverses, qu’il a formé les séries par lesquelles se justifie la division en périodes d’après laquelle il a classé, dans son musée, les objets dits préhistoriques. Avec Melilli, avec la plupart des tombes de Castelluccio, on est en plein âge de la pierre. L’outillage rappelle, à certains égards, celui des tribus innomées de l’Europe centrale que l’on est convenu d’appeler le peuple des dolmens ; mais il est beaucoup moins riche et moins varié. Il ne se compose guère que de deux instrumens, le couteau d’obsidienne ou de silex et la lourde hache de basalte ; à peine a-t-on, de loin en loin, ramassé quelques pointes de flèches. Il n’y a rien ici de comparable à ces belles pièces, fruit d’un travail si habile et si patient, qui, dans les collections de la France, de l’Allemagne et des pays Scandinaves, représentent l’âge de la pierre polie. C’était avec la hache et le couteau, d’ailleurs assez grossièrement taillés, que ces peuplades étaient tenues de subvenir à toutes les nécessités de la vie