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sur le ventre. D’ailleurs une plaque de pierre et quelquefois deux, engagées dans des rainures, fermaient ce passage. En avant de ces dalles, M. Orsi a souvent trouvé un mur en pierres sèches. Ce mur, on le bâtissait, comme celui qui barre le corridor de la tombe mycénienne, quand l’hypogée était plein, quand il ne devait plus recevoir d’hôtes nouveaux. Dans certains de ces caveaux, il y a, sur le côté, une niche, entourée d’une sorte de chambranle très sommairement indiqué ; on y trouve des squelettes d’enfans. Quant au mobilier funéraire, il n’est plus en place, à Pozzo Cantano ; à mesure que se poursuivaient les travaux de déblaiement, il a été porté au musée ; et c’est là que nous le retrouverons, rangé en bel ordre, près du produit des autres fouilles de même nature, pour étudier, d’après les inductions que permet l’ensemble de ces monumens, ce que l’on peut appeler, en prenant ce mot dans un sens tout relatif, la civilisation des Sikèles.


III

Ce mot de civilisation peut surprendre, appliqué à des tribus qui ne sont jamais arrivées à avoir ni une langue dont les mots fussent notés par l’écriture, ni un art capable de traduire des idées par des formes : il cessera d’étonner, dès que nous aurons décrit sommairement l’outillage dont ces tribus disposaient, alors qu’elles étaient encore seules à habiter la Sicile. Pour ma part, l’emploi de ce terme me paraissait déjà justifié, avant que j’eusse étudié dans les vitrines du musée et dans les mémoires de M. Orsi tout le matériel de l’industrie des Sikèles ; j’avais visité la nécropole de Pozzo Cantano et je ne pouvais voir de purs sauvages dans les hommes qui avaient aménagé ces sépultures. On n’a pas le droit d’appeler sauvage, quelque grossières que soient d’ailleurs ses habitudes, un peuple qui prend un tel soin de ses morts ; il a fait un premier pas dans la voie qui mène à la civilisation, le jour où, chez lui, le fils n’a plus abandonné sur le sol le cadavre d’un père ou d’une mère, comme il aurait fait celui de son bœuf ou de son chien, mais où il a tenu à le soustraire aux intempéries, à la morsure des fauves et des oiseaux de proie. A plus forte raison peut-on dire qu’il s’est dégagé sans retour de la barbarie initiale, dès le moment où, poussant plus loin ce souci, il s’attache à pourvoir aux besoins d’une vie posthume qu’il conçoit comme