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atténuait l’impression de contentement que Léon XIII avait gardée de la visite du Prince impérial. On parlait dans les journaux de la nomination possible de coadjuteurs avec future succession pour administrer les deux diocèses dans lesquels le retour de Mgr Melchers et du cardinal Ledochowski était jugé impossible. Le 18 janvier 1884, la Chambre des députés, à Berlin, rejetait une motion de M. Reichensperger tendant à restituer à l’Eglise catholique en Prusse les garanties que lui avait assurées autrefois le pacte constitutionnel de 1850, et en même temps le ministre de Prusse près le Saint-Siège ne dissimulait pas que, depuis le mois de septembre précédent, les affaires n’avaient pas avancé d’un pas, qu’il n’avait reçu du Pape aucune nouvelle ouverture. « Ces messieurs, disait M. de Schlœzer, savent que nous sommes désireux de faciliter le rétablissement de la paix religieuse ; c’est à eux de nous présenter des propositions. Jusqu’ici ils ont gardé le silence : ils connaissent nos vues, nous n’avons qu’à attendre. »

Quant au bruit d’après lequel les difficultés tenant à la personne du cardinal Ledochowski pourraient être résolues par la nomination d’un coadjuteur chargé d’administrer le diocèse de Posen et Gnesen : « Jamais, disait le représentant du cabinet de Berlin, jamais nous n’admettrons cette combinaison, car elle supposerait un fait qui pour nous n’existe pas, c’est-à-dire le pouvoir régulier d’un évêque auquel on donnerait un coadjuteur ; or, d’après nos lois, le cardinal Ledochowski est déchu de tous ses droits à Posen. Il y aurait d’ailleurs un moyen de résoudre très facilement le problème : le cardinal de Lucca vient de mourir, il laisse vacante la place de chancelier de la sainte Eglise ; on pourrait la donner au cardinal Ledochowski pour prix de sa renonciation au siège de Posen. Quant à l’ancien archevêque de Cologne, le cardinal Melchers, il est tout prêt à se retirer dans un couvent. Nous attendons qu’on veuille bien ici prendre un parti, et nous continuerons d’aviser à l’apaisement du conflit par voie législative. »

Le Saint-Père n’était donc en réalité autorisé à espérer, au commencement de 1884, aucune concession sur les points que le cardinal Jacobini avait indiqués à diverses reprises comme indispensables pour une entente sérieuse. Léon XIII était profondément déçu ; un instant on avait espéré, à la cour pontificale, qu’une paix loyale allait se conclure entre le Saint-Siège et l’Allemagne. Or, au moment même où cette illusion tendait le plus à se répandre, on attribuait au Saint-Père le dessein de faire entendre