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l’honnêteté et de la civilité pour tout le monde[1]. » Mais elle était remarquablement ignorante. On commença par lui donner un maître de danse et un maître de clavecin. On s’aperçut bientôt que ce n’était pas suffisant, et que c’était d’un maître d’écriture qu’elle avait besoin. « J’espère que j’escriré assez bien, ma chère grand’maman, mandait-elle à sa grand’mère dans une lettre du 25 mai 1697. J’ai un maître qui se donne beaucoup de paine. J’aurois grans tort de ne pas profitter des soins qu’on prend de tout ce qui me regarde. » Mais, malgré toute la paine que se donnait le maître d’écriture, elle ne faisait guère de progrès, car, l’année suivante, mariée depuis quelques mois, elle prenait encore des leçons : « Il seroit temps, ma chère grand’maman, que je scusse escrire, et l’on me reproche ici assez souvent la honte d’une femme mariée qui a un maistre pour une chose aussy commune. Mais pour le stile, il seroit difficile qu’il ne fust pas obligeant, sentant pour vous ce que je sens. » Le style de ses lettres est « obligeant », en effet. Il est rare, malgré leur brièveté, qu’elle ne trouve pas le moyen d’y glisser quelque heureuse expression de tendresse. Mais elle ne parvint jamais à écrire convenablement, ni à savoir l’orthographe dans la mesure où la savaient les femmes de son temps et de son rang. Ses lettres présentent sous ce rapport une différence frappante avec celles de sa sœur, la reine d’Espagne, qui sont également conservées aux archives de Turin. Mme de Maintenon s’inquiétait de cette ignorance, qui s’étendait jusqu’à l’histoire. Elle s’en ouvrait à Dangeau, et avait recours à ses bons offices : « Il est bizarre, lui écrivait-elle, de vouloir faire de vous un précepteur, mais vous êtes capable de tout pour le bien, et vous en pouvez plus faire à la Princesse que tous les maîtres du monde. Je crois qu’il faudroit lui faire tous les jours deux leçons, l’une de la fable, l’autre de l’histoire romaine. Vous savez mieux que moi, Monsieur, qu’il ne faut point songer à en faire une savante, on n’y réussiroit pas. Il faut se borner à lui apprendre certaines choses qui entrent continuellement dans le commerce des plaisirs et de la conversation. » Pour lui apprendre l’histoire elle faisait choix de l’Histoire romaine du dominicain Coëffeteau, « parce que, disait-elle, les chapitres sont courts et notre Princesse n’aime pas ce qui est long. » Et elle terminait sa lettre en ces termes : « Quand vous trouverez

  1. Entretiens sur l’éducation des filles, p. 117.