Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/491

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surprenante, jusqu’à passer avec elle des heures entières ou dans son cabinet ou chez la marquise de Maintenon[1]. »

En effet, l’impression favorable que le Roi avait ressentie à première vue, et dont il s’empressait, dès Montargis, de faire part à Mme de Maintenon n’avait fait, en ces premiers jours, que se fortifier. Les appréhensions que d’autre part certains rapports lui avaient fait concevoir avaient entièrement disparu. On retrouve la trace de ces appréhensions dans les conversations que Mme de Maintenon tenait quelques années plus tard avec les demoiselles de Saint-Cyr. « Ne vous ai-je pas raconté, leur disait-elle, que lorsque Mme la duchesse de Bourgogne vint en France, avant qu’elle n’arrivât, ceux qui en venoient dire des nouvelles au Roi, croyant faire leur cour, inventèrent mille reparties agréables qu’ils disoient qu’elle avoit faites ? On trouvoit tout cela fort joli, mais, quand le Roi étoit seul avec moi, nous disions : Il faut que cette petite soit une folle et une étourdie si à son âge elle s’avance de dire tant de choses. Nous fûmes ravis au contraire de voir qu’elle étoit fort timide, car au commencement elle ne disoit presque pas un mot[2]. » Aussi, dans une lettre adressée au duc de Savoie « pour lui donner part de l’arrivée de la Princesse sa fille », lettre qui ne se trouve malheureusement ni à Paris ni à Turin, Louis XIV avait-il témoigné toute la satisfaction qu’il éprouvait. Dans une dépêche à Tessé, qui accompagnait cette lettre, il ajoutait : « Quoyque je lui témoigne (au duc de Savoie) la satisfaction que j’ay eu de remarquer en elle tout ce que vous m’en aviez mandé d’avantageux, vous pouvez l’assurer encore que j’ay été parfaitement content de ses manières, de son esprit, du bon air et de la grâce qu’elle a dans tout ce qu’elle fait, et de l’éducation qu’on luy a donnée. Je suis persuadé que je trouveray en elle toutte la douceur d’esprit et touttes les dispositions que je puis désirer pour profiter des soins qu’on en prendra, et que le sujet estant aussy bon sera facilement perfectionné par les lumières de celle qui aura la principale atention à sa conduite. Il est certain qu’en suivant ses conseils, cette princesse contribuera fort elle-même à faire le bonheur de sa vie[3]. »

« La Princesse est arrivée, écrivait de son côté Mme de Maintenon à la duchesse de Savoie dans une lettre aussi déférante

  1. Sourches, t. V, p. 215 et 263.
  2. Entretiens sur l’éducation des filles, p. 51.
  3. Papiers Tessé. Le Roi à Tessé, 6 novembre 1696.