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Pour d’autres raisons que nous n’avons pas à approfondir ici, les quilles sont tombées en désuétude, ainsi que le jeu des anneaux qu’on s’efforçait d’enfiler sur un pieu fiché en terre, et le jeu du taulet, analogue au tonneau. On se divertit quelquefois encore au tir à la cible, qui se pratiquait avec des fusils de chasse chargés à balle et principalement le jour de la fête du village, qu’il nous reste à décrire.

La veille au soir de la solennité, on faisait flamber un grand feu de joie qu’allumait le curé, revêtu de sa chape de cérémonie. Le lendemain, la journée débutait par une « aubade » exécutée dans l’église par le tambourin en l’honneur du saint local. Le curé présidait à l’offrande, entouré de ses marguilliers, et, comme partout ailleurs, chaque assistant déposait sa pièce de monnaie dans le bassin après avoir baisé le reliquaire. Conformément à une tradition assez bizarre, le fabricien porteur du plateau, tenait de l’autre main un bâtonnet à l’extrémité duquel était fixée une pomme « tardée » de pièces de cinq francs. Il faut voir dans cet emblème la trace d’une magnificence disparue; l’offrande des pièces d’argent de la pomme avait dû jadis être réelle, puis, plus tard, on s’était contenté de la rappeler par un simulacre, où figuraient, converties en écus, les pièces de billon accumulées par les quêtes dominicales pour l’entretien du culte.

Après la célébration de la messe et le repas de midi, les divertissemens commençaient. Les fabriciens de la paroisse ou « prieurs » dirigeaient les jeux déjà mentionnés, dont les frais étaient couverts par la menue cotisation que tous les concurrens devaient verser avant d’entrer en lice. Aux jeunes gens était dévolue la tâche d’organiser les danses et d’engager un ménestrel rémunéré à leurs frais. De plus, nos garçons achetaient tout un assortiment de paquets d’épingles, modeste présent dont le cavalier, après chaque tournée, gratifiait la danseuse qu’il avait invitée.

Toutefois, sans avoir un rouge liard dans sa poche, tout le monde pouvait prendre part aux concours de boules et aux courses. Celles-ci, bien entendu, rappelaient plutôt les joutes décrites par Homère que les concours modernes sur le turf. Chevaux, mulets, ânes (ces derniers beaucoup plus communs jadis qu’aujourd’hui) luttaient successivement de vitesse. Puis venait le tour des vieillards, des enfans, des jeunes gens; mais pour tracer une peinture exacte de ces exercices, il faudrait pouvoir amalgamer les vers burlesques du cinquième livre de l’Enéide de Scarron