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misérables, ne comptaient parmi eux ni riches ni pauvres; puis, la difficulté relative des communications, que nous avons déjà signalée, entravait aussi bien l’exode des familles autochtones, qu’elle détournait l’afflux des étrangers au terroir. Comme, après tout, cet isolement n’était pas absolu, il se produisait un original phénomène d’équilibre entre deux extrêmes, et les anciennes mœurs, dont il nous reste à dire quelques mots, se sont longtemps conservées intactes, point raffinées, convenons-en, mais aussi complètement exemptes de toute grossièreté ou barbarie. Essayons donc de faire revivre ce passé disparu.

Après la langue, la meilleure caractéristique de l’individualisme provincial, c’est le costume. Mais, pas plus autrefois qu’aujourd’hui, la gentille toilette arlésienne, dont tout le monde peut se faire une idée, sans se rendre sur les lieux, en allant voir représenter au théâtre la Mireille de Gounod, ne se porte dans notre village. Pourtant le costume, en usage dans tout l’arrondissement administratif d’Arles, envahit, sans que personne s’en plaigne, deux cantons de l’arrondissement d’Aix, ceux d’Istres et de Salon. Il est donc facile d’en tracer, commune par commune, les limites géographiques, d’autant qu’à une localité où jamais femme n’a coiffé le petit bonnet caractéristique en succède une autre où son usage est général.

Ainsi, de nos jours, rien à noter de particulier pour l’habillement. Mais, dans la première moitié de ce siècle, les vêtemens présentaient encore une originalité typique. Les jeunes gens et les personnes étrangères au Midi, peuvent du reste sans peine faire revivre sous leurs yeux les paysans de la Restauration en visitant, à l’époque de la Noël, les « crèches » des églises, dont les poupées, par un anachronisme traditionnel, sont exactement vêtues comme l’étaient les grands-pères des paysans actuels des Bouches-du-Rhône[1].

Hâtons-nous de dire que l’élégance et le pittoresque n’ont guère perdu à la disparition des modes antiques. Les femmes, en hiver, portaient d’assez courtes jupes de laine, généralement de nuance brune : ces jupes, très plissées, faisaient ressortir les hanches, et le corsage s’ajustait étroitement. La coiffure, de toile blanche ou

  1. On donnait naguère, à Aix, des représentations de « mystères », relatifs à la naissance du Christ. Ce spectacle, joué par des marionnettes, se nommait « la Crèche ». Il offrait un tableau fidèle et piquant, non seulement des vieux costumes du pays, mais du vrai langage local, encore pur de tout gallicisme.