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d’excellent goût ; et il y a plutôt lieu de s’étonner que les crus du terroir fussent encore passables, malgré l’incurie des paysans.

Dans la localité qui nous occupe, tout comme dans le reste de la région, la vendange de 1849 fut si abondante, à une époque où le prix du vin s’était avili au point que les travailleurs consentaient à peine à accepter pour leur journée une « millerole » de vin (mesure locale valant environ la moitié d’un hectolitre) ; si abondante, disons-nous, que les raisins pendant sur quelques coteaux ne furent pas recueillis. Quelques années plus tard une réaction survint : l’oïdium, envahissant les vignobles français, amena un fort renchérissement sur le prix des vins, et, par bonheur pour les vignerons provençaux, les espèces les plus répandues dans le pays se trouvèrent braver la maladie ; le Grenache, notamment, continua de produire d’abondantes récoltes qui se vendaient avantageusement[1]. Plus tard, l’application du soufre ayant guéri la nouvelle maladie, les vins du midi baissèrent sur le marché, mais en laissant aux cultivateurs une rémunération convenable. Naturellement les Provençaux ne se soucièrent pas beaucoup de l’emploi du nouveau remède; ils soufrèrent peu et mal, continuant d’empocher des bénéfices suffisans qu’interrompit bientôt la venue du phylloxéra.

Quand tout le vignoble fut détruit, comme la culture du blé rémunérait suffisamment leurs peines, les paysans oublièrent un peu la vigne ; ils burent d’abord les produits que fournissaient les rares souches épargnées par le fléau ou quelques jeunes plantiers moribonds reconstitués au hasard ; puis, à mesure que les temps devinrent plus durs, ils consommèrent des boissons de fantaisie ou même de l’eau claire. Néanmoins, quelques-uns des plus hardis ou des plus intelligens plantèrent pêle-mêle, sans en bien reconnaître la vraie nature, quelques vignes exotiques en même temps que des cépages languedociens à grand rendement, autrefois inconnus dans le pays, tels que l’Aramon, le Petit-Bouschet, l’Alicant-Bouschet. Les invasions du mildew, qu’ils distinguaient

  1. Par un singulier revers, le Grenache, rebelle à l’oïdium, s’est montré plus tard très sensible aux attaques du mildew et peut même succomber si l’année est par trop mauvaise.
    Voici quelques aperçus sur la variation des prix de vins de la région. L’hectolitre est pris pour unité.
    Périodes de vente mauvaises ou médiocres. 7 francs en 1803; 3 fr., 50 en 1805, 2 francs en 1808, 7 fr. 50 en 1832; 5 fr. 50 en 1842.
    Périodes de ventes avantageuses. 20 francs en 1801 ; 24 à 32 francs en 1811 ; 20 à 22 francs en 1816; 30, 36 et même 38 francs en 1817 et 1818; 24 francs en 1867.