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pie. En automne, on voit les pies voltiger en troupes nombreuses et il n’est guère d’arbre un peu élevé qui ne soit garni à son sommet de leur nid si caractéristique. Malgré leur livrée noire et blanche qui les désigne comme cible naturelle, on sait combien ces oiseaux, dont la chair du reste n’est pas mangeable, se gardent avec intelligence et savent flairer l’approche des chasseurs.

Sauf quelques rares anguilles qu’on réussit quelquefois à grand’peine à extraire des creux des « vabres » ou des canaux dérivés de la Durance, le poisson d’eau douce est passé à l’état de mythe. Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans la première moitié de ce siècle — période que nous désignerons par l’abréviation conventionnelle « autrefois » — on trouvait dans le hameau sinon des pêcheurs de métier, du moins des habitans qui ajoutaient, à leurs profits ordinaires quelques sous provenant de la vente des poissons qu’ils prenaient. Mais ce temps-là est bien passé.


II

C’est au passé qu’il nous faut encore revenir pour mentionner comme coutumes disparues l’élevage des abeilles, celui des dindes dont les nombreux troupeaux, guidés par un enfant, pâturaient autrefois dans les champs pendant l’automne jusqu’à l’époque de la Noël, où les oiseaux engraissés se vendaient sur le marché d’Aix, à l’occasion du souper de la fête.

Éleveurs d’abeilles ou de volailles, les anciens fermiers qui disposaient d’une étendue de terre raisonnable possédaient aussi des bœufs venus de la Haute-Provence ou du Gapençais. Actuellement encore, dans la Crau, on emploie souvent l’expression de bouvier pour celle de valet de ferme, quoique depuis longtemps l’usage des bœufs soit tombé en désuétude. Quand ils ne labouraient pas, les bœufs pâturaient dans les terrains vagues où la fraîcheur relative du sol entretenait un peu d’herbe, sous la garde d’un valet commis à cet humble emploi, et que dut remplir, à l’époque du Directoire, le curé constitutionnel du pays, réduit à la misère le plus abjecte. A la suite de nombreux défrichemens, l’emploi exclusif des mulets s’imposa au point que de nos jours il serait parfaitement impossible de trouver dans la localité un homme qui consentît à surveiller ou atteler une bête à cornes. Il est peu probable que la région d’Aix fournisse jamais de toreros les arènes d’Arles ou de Beaucaire.