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régler l’emploi au mieux de l’utilisation des crédits octroyés, de l’obliger de demander à tout moment au service administratif où en sont les crédits et ce dont il peut disposer. Ils concluent, en conséquence, à ce que les achats soient faits uniquement par les directeurs qui seraient en outre seuls chargés de gérer leurs dotations, et même de liquider les dépenses, chacun d’eux devenant ordonnateur de ses crédits. Voyez, disent-ils, ce qui se passe dans tout établissement industriel de constructions maritimes, c’est-à-dire là où la pression des intérêts privés a dû conduire à l’organisation la plus économique : le directeur ne concentre-t-il pas dans ses mains l’ensemble des fonctions techniques et administratives, arrêtant le dispositif des travaux, passant les marchés, établissant les comptes et les prix de revient ? Tel est le type de l’usine modèle : or l’arsenal n’est-il pas une usine, eu égard à son objet essentiel, qui est la production du navire de guerre ? Il convient donc de constituer tout ce qui concourt à cet objet dans l’arsenal sur le pied de l’établissement industriel, d’y organiser, en regard des services de la flotte construite et autres rouages purement militaires, ce qu’on pourrait appeler l’usine, sous l’autorité des directeurs de travaux, avec tout ce qui concourt à son fonctionnement, de donner enfin à ces derniers une initiative qui leur conférera en même temps une responsabilité plus entière.

Abordons l’examen critique de la conception qui précède. C’est certainement une idée féconde que d’aller chercher des enseignemens dans les organisations privées ; mais la comparaison des directions de travaux avec l’usine industrielle est-elle judicieuse dans l’espèce ? L’œuvre assignée à l’arsenal maritime est une, embrassant depuis la construction du vaisseau jusqu’à son armement et son entretien. Dès lors est-il logique de faire la distinction des services qui concourent à ce but commun pour constituer un ou plusieurs d’entre eux comme des usines ayant chacune leur organisation complète ? N’est-ce pas, au contraire, l’arsenal lui-même qui est une vaste usine, plus complexe assurément qu’un chantier industriel, mais ayant d’autant plus besoin de recevoir l’impulsion d’un chef unique ? Qui ne voit, d’autre part, que la constitution, à laquelle on aboutissait logiquement, d’un grand service de construction de la flotte, avec tous ses rouages concentrés dans les mains d’un directeur général des travaux, lui donnerait une indépendance de nature à annuler l’autorité du préfet maritime ; que cet officier général, seul exé-