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de filles, si quelques missions, au lieu d’avoir des orphelinats, placent à leurs frais les enfans dans des familles chrétiennes, ce qui atteint le même but, les fonctionnaires et les particuliers chinois, depuis deux cents ans, se préoccupent aussi de cette question et, dans presque toutes les régions, il existe des institutions charitables, officielles ou privées, qui recueillent les enfans ou donnent des secours aux parens pour aider à les élever ; le dernier système semblera préférable à ceux qui connaissent le désordre de tout établissement public chinois et la saleté des femmes du peuple que l’on prend comme nourrices, pour les charger souvent de cinq ou six enfans d’âges divers.

Quand les petites filles ont atteint sept ou huit ans, souvent plus tôt, les institutions indigènes s’en défont, soit en les cédant comme servantes à des familles qui présentent des garanties, soit en les vendant comme brus à des gens du commun : il arrive souvent, en effet, qu’une famille pauvre, mais non pas misérable, achète aux orphelinats indigènes ou aux parens mêmes une petite fille qu’on élève avec les enfans de la maison et que l’on destine à devenir l’épouse du fils; ce mode de mariage permet de réduire, autant que l’on veut, les frais et les cérémonies : l’orpheline devient une petite servante, s’habitue aux soins du ménage et fait connaissance avec sa future famille ; sa position varie avec le caractère de la maîtresse, parfois elle est traitée en enfant de la maison, plus souvent elle est battue, peu nourrie, mal vêtue; les suicides ne sont pas rares parmi ces petites servantes-brus. Les filles qui restent chez leurs parens, souvent, ne sont pas mieux traitées; en tous cas, elles travaillent, lavent les ustensiles, ramassent le fumier pour le champ ou les épis à la moisson, dès qu’elles peuvent se tenir sur leurs jambes; un peu plus tard, elles se mettent à filer, à coudre, elles prennent soin des frères et sœurs plus jeunes, et c’est d’ordinaire à cela que se borne leur éducation ; car, si les croyances bouddhistes et taoïstes ont plus de prise sur le peuple que sur les gens instruits, elles y restent à l’état de superstitions et ne forment pas un corps de doctrines que l’on enseigne.

Le mariage est difficile pour les filles pauvres ; il faut acheter un petit trousseau, célébrer quelques cérémonies, tout cela coûte : aussi plus la famille est pauvre, plus le mariage est tardif; il est cependant bien peu de filles qui ne finissent par se marier et, s’il y en a qui restent célibataires, c’est presque toujours qu’elles